Pas de demi-mesure avec le gris, pas de petite laine grisounette pour accompagner un improbable tailleur ennuyeux, le gris de l'automne 2007 s'assume et se vit en total look. Quelque soit le style adopté, les différentes teintes du gris se déclinent sur un même look. On joue sur les matières, on marie matité et brillance, drap de laine et sequins.
Chez Sonia Rykiel, le gris se fait féminin à l'extrême : drapé belle époque, longs gants de cuir, bibi fantaisie, jusqu'à la pointe vernie d'escarpins gris souris. Allure de belle ingénue, fondamentalement parisienne, le camaïeu gris perle confère à ce genre de composition une douceur racée et une élégance rieuse.
Stefano Pilati se sert de gris pour asseoir sa vison du new tailoring : coupe quasi monacale, cape à la Poiret, étoffe masculine, subtile différence de teintes au pigment près, ses silhouettes oscillent entre passé et avenir, et c'est finalement la modernité qui l'emporte. Le gris Yves Saint-Laurent reste fidèle à l'esprit de la maison en distillant aux creux des lignes de cette collection une élégance intemporelle.
Le gris n'est plus à une mutation près, alors lorsque chez Chloé, on propose une petite jupe aléatoirement lamée d'argent associée à une veste en molleton, on ne s'offusque pas. L'apparente uniformité du gris permet de jouer avec les codes et de mélanger attributs du soir et pièces cosy.
On retient que pour la tendance gris sophistiqué, on mise sur le parti pris et on joue le jeu jusqu'au bout. On décline les tenues en gris perle, gris anthracite, gris ardoise, gris souris, argenté et chiné. On bannit, le temps d'un look, les autres couleurs, car le gris est exclusif et ne souffre aucune rivalité. Alors on reste dans la tonalité, du haut de sa capeline au bout de ses socquettes.
Afin de rompre définitivement avec sa réputation de rabat-joie frileux, le gris de cette saison a décidé d'être de tous les concepts.
Ultra cosy dans la démesure ouatée d'une robe pull imaginée par la reine de la maille titi parisienne, j'ai nommé Sonia Rykiel, le gris deviendrait-il sexy ? L'abondance de matière monochrome devient sensuelle quand elle enserre des épaules dénudées. Le gris y perd son sérieux…
Si sur les catwalks parisiens le gris s'est essayé à la romance, du coté des Italiens Dolce & Gabbana, il se veut au firmament de la jet set attitude. C'est en total look argenté, respectant les codes de la jeunesse noctambule dorée que le gris se fait scintillant, blousant électrique, cuir version aluminium et sac oversize. Si l'uniforme des nuits branchées a fait peau neuve en adoptant le gris, il n'en reste pas moins dénué de personnalité à force d'être stéréotypé…
Petite touche d'humour avec la griffe « Comme des Garçons » : si Rei Kawakubo ne suit qu'elle-même pour ce qui est des tendances, elle n'a pas résisté a réinterpréter l'allure grise qui semble flotter dans l'air du temps. Dérision, déconstruction, mise en abîme du vêtement… Pourquoi ne pas jouer aux illusionnistes avec ce sarouel aux mains indépendantes ? (Inutile de préciser que la question est rhétorique, on laisse les looks expérimentaux aux budgets illimités ou aux rédactrices de mode qui les testeront pour nous…).
Pour ce qui est du quotidien avec ce revival gris, on oublie que d'habitude le total look est à proscrire. On pense démesure, long gilet de laine, micro jupe, collant côtelé, low boots anthracites. Le gris est envahissant et nous devrons lui laisser occuper l'espace, "dress code 2008" oblige. Et surtout, surtout on ne croit pas pouvoir être dans la tendance sans faire d'efforts, du genre : "Génial, je vais pouvoir ressortir ce petit cardigan gris perle du mariage de tante charlotte"…
Nul besoin d'être Anna Wintour pour vous dire que se sera un flop fashion retentissant. Le gris de cette saison n'a rien avoir avec le passé, il fait partie d'une synergie gagnante entre effets de coupe, matière entreprenante et un "je ne sais quoi" de modernité. Alors une virée shopping s'impose. On ne recycle pas…
©photo : Vogue
Par Lise Huret, le 12 août 2007
Suivez-nous sur , et