Les sabots d'hiver ?

C'est bien connu : ce que Karl désire, Karl l'obtient. Ainsi, lorsque le kaiser s'enticha du style Fragonard en chaussant ses belles paysannes de sabots Chanel, la sphère mode n'eut d'autre choix que de suivre vaille que vaille cette nouvelle tendance champêtre. Il ne faudrait cependant pas que cette dernière s'éternise, sous peine de muter en de multiples versions automnales...

Si la mode se démode quotidiennement, son fonctionnement, lui, n'évolue guère. Siècle après siècle, elle ne s'est ainsi jamais privée de faire prendre des vessies pour des lanternes à bon nombre de ses adeptes...

Des poulaines démesurées du Moyen Âge aux coiffures incongrues ayant fait les délices de Marie Antoinette, en passant par les chaussures plateformes des plus belles heures du mouvement punk, il a toujours suffi qu'une pièce soit déclarée "tendance" pour que le ridicule se transforme en must have. Le dernier exemple en date en est d'ailleurs une parfaite illustration...

En remettant les sabots au goût du jour (et ce en faisant fi de leur manque de praticité et d'esthétisme), Karl nous permet ainsi de vérifier une fois de plus la docilité du petit monde de la mode. Il faut dire que si quelques voix s'élevèrent pour dénoncer le caractère rédhibitoire du produit, elles furent bien vite submergées par le nombre incalculable de pages de magazines prônant son caractère up-to-date, ainsi que de posts élogieux de blogueuses conquises. Apparemment fière de parvenir à mêler diktats des podiums et philosophie écolo, la France a donc décidé de passer l'été 2010 en sabots... Oui mais voilà, aussi prisés soient devenus ces derniers, ils n'en ont pas pour autant gagné en élégance. Cela n'empêche cependant pas certains de vouloir faire durer la mystification bien au-delà du 31 août, les gimmicks du sabot - semelles en bois et clous apparents - ayant été repris sur plusieurs modèles de la rentrée 2010.

Or, si le paysage fashion respire grâce à ce genre d'incartades stylistiques impromptues (et au final assez rafraîchissantes), il ne faudrait pas qu'une tendance appelée à ne durer qu'un été se mette à jouer les prolongations, sous peine de créer quelques malentendus. En effet, si Marc Jacobs, Stella McCartney et Topshop s'amusent à en proposer une version hivernale, l'à-propos d'une telle initiative reste encore à prouver.

Il serait de toute façon dommage de bouder les modèles de saison - bottines montagnardes, brogues, talons expérimentaux, bottes seventies, etc... - au profit d'une plaisanterie n'ayant déjà que trop duré...