Louis Vuitton, visionnaire ?
En choisissant comme égérie l'héroïne d'un jeu vidéo plutôt que l'une des filles du clan Kardashian, Nicolas Ghesquière offre cette saison à Louis Vuitton un savoureux parfum d'avant-garde...
Inédit, le format des campagnes Louis Vuitton de l'ère Ghesquière - dont l'idée est de donner la possibilité à différents créateurs d'images de s'approprier l'humeur de saison (voir ici, ici et là) - ne laisse personne indifférent. Et si pour le printemps/été 2016 les clichés de Juergen Teller ne déméritent pas, tandis que la présence de Jaden Smith offre au tableau de Bruce Weber une indéniable énergie, c'est incontestablement l'apparition de la créature des studios Square Enix au sein du second volet de la série 4 qui focalise le plus l'attention. Il faut dire que le parti pris de Nicolas Ghesquière se révèle particulièrement audacieux…
Audacieux, mais parfaitement réfléchi : loin de se résumer à une lubie de geek ayant les moyens de ses ambitions, la fusion Louis Vuitton/Lightning (personnage principal du jeu vidéo Final Fantasy XIII) obéit à une logique créative et marketing des plus cohérentes.
Notons ainsi tout d'abord que si cette incursion du virtuel au sein d'une campagne de mode aurait pu sembler "gadget" chez la plupart des griffes, elle s'inscrit ici directement dans le prolongement de la collection printemps/été 2016 de la maison parisienne (qui s'inspire de l'univers de Minecraft, Final Fantasy et Second Life) tout en se révélant en parfaite osmose avec l'univers SF et "high tech" de Nicolas Ghesquière. De son côté, l'égérie de la campagne se révèle être un personnage adulé par plus de 11 millions de personnes, en majorité des jeunes japonais. En faisant de "Lightning" l'étendard de LVMH, Ghesquière tente ainsi de s'attirer les bonnes grâces de la jeunesse, et plus particulièrement celle du Japon (second marché mondial du luxe).
Enfin, en jetant son dévolu sur une icône virtuelle populaire, le DA de Louis Vuitton acte le fait que pour réussir à séduire la génération Z, le fashion cosmos n'aura d'autre choix que d'embrasser pleinement son univers et ne plus se contenter du classique schéma top model/photographe star...
Ce que j'en pense
J'ai toujours rêvé de voir un créateur réussir à transformer en égérie une héroïne de roman. J'aurais ainsi adoré retrouver Jane Eyre chez Haider Ackermann, Madame Bovary chez Dior (époque Galliano), la Cléopâtre de Shakespeare chez Azzédine Alaïa ou encore Jo March chez Dries Van Noten. Je peux donc comprendre à quel point il doit être grisant pour les fans de Final Fantasy de voir une des héroïnes de la saga devenir l'égérie d'une griffe telle que Louis Vuitton…
En délaissant les mannequins de chair et d'os au profit d'un être fictif aux mensurations irréelles et au grain de peau constitué de minuscules pixels, Nicolas Ghesquière porte à son paroxysme le concept du "tout Photoshop" et livre une conclusion cyniquement esthétique à la problématique de la retouche à outrance.
Face à cette chevelure rose acide à l'âme programmée, je me demande s'il faut voir cette campagne comme un avant-goût d'un futur où êtres de chair, intelligence artificielle et personnages virtuels seront placés sur un pied d'égalité, ou plutôt simplement comme un joli coup marketing à visée essentiellement commerciale. Probablement un peu des deux...
Voir tous les visuels de la campagne : https://fr-ch.tendances-de-mode.com/511-louis-vuitton-printemps-ete-2016
Par Lise Huret, le 05 janvier 2016
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