
Euphoria : dress code et émotions
Depuis la garde-robe affolante de Carrie Bradshaw et les tenues "Upper East Side" de Blair Waldorf, rares sont les looks des héroïnes de séries attirant réellement l'attention. C'était cependant sans compter sur Euphoria, le nouveau petit bijou de HBO qui, avec son stylisme en parfaite osmose avec les us et coutumes de la génération Z, risque fort d'influencer simultanément gent adolescente, fashion sphère et bureaux de tendances. Tour d'horizon des raisons qui rendent à mes yeux le stylisme de la série terriblement impactant…

Une costumière styliste avant tout
Si Heidi Bivens s'est récemment illustrée en capturant l'essence du dress code des skateurs nineties dans le film "Mid90s", c'est néanmoins au sein de l'univers de la mode que la jeune femme fit ses armes. Styliste pour i-D, Purple, W ou encore Vogue, elle y apprit ainsi l'art de raconter des histoires en télescopant des vêtements et se construisit une solide culture mode. Des atouts non négligeables lorsque l'on se voit confier l'élaboration de la garde-robe de personnages contemporains en prise avec les fluctuations de l'air du temps.
Des comédiennes impliquées
Oublié le styliste démiurge habillant ses actrices telles des poupées de chiffon : entre Heidi Bivens et les protagonistes d'Euphoria, l'humeur est davantage au brainstorming qu'aux figures de style imposées. La styliste a en effet conscience de travailler avec des femmes qui, au delà de leur métier de comédienne, possèdent une aura très forte, une personnalité tranchée et pour certaines une dimension activiste. Autant dire qu'il aurait été dommage de ne pas se servir de cette force pour tenter de composer avec elles des looks correspondant au mieux à leur personnage.

Des marques plus accessibles
Démodés les looks Gucci/Dior/Chanel des poupées de l'Upper East Side (Gossip Girl) : les héroïnes d'Euphoria ne dépensent pas l'équivalent de trois loyers dans leur 15e sac à main, et c'est tant mieux. À leurs trouvailles vintages, elles mixent ainsi des pièces estampillées Réalisation Par, Reformation, Cotton Citizen, Gosha Rubchinskiy ou encore Nodress. Des marques qui, si elles restent onéreuses, n'en sont pas pour autant totalement inaccessibles.
Un dress code adapté au modus operandi de la génération Z
En prise directe avec la manière de consommer et de porter les vêtements des 15-25 ans, les dress codes de Rue, Jules et Kate séduisent par leur capacité à créer leur propre tendance. Chemise hawaïenne sur un bermuda de garçon, micro robe - shoppée au rayon "elfes" - réchauffée d'une veste zippée sportswear ou encore lunettes de vue papillon associées à une paire de Doc Martens basses : les vêtements et accessoires sont ici piochés indistinctement aux rayons "Femme", "Homme", "Enfant", "Déguisements "ou encore "Seconde main". L'idée étant d'habiller les protagonistes en collant à une certaine réalité plutôt que de looker des ados de 17 ans comme des multimillionnaires de 30 ans.
Le make up en guest star

Look et psychologie
Afin de prendre la mesure de la dimension psychologique du dress code des héroïnes d'Euphoria, rien de tel que de revisionner la série en coupant le son. Vous remarquerez alors que l'évolution stylistique des principaux protagonistes est directement liée à ce qu'elles vivent. Pas besoin de dialogues : leurs vêtements suffisent à transmettre émotions, tergiversations, angoisses et désarrois.
Contrairement aux deux personnages précédents, ses looks n'évoluent pas graduellement, mais suivent un autre schéma : tour à tour ultra looses lors de ses moments de déprime, de manque, de perte de contrôle (voir ici, ici et là) et plus structurés (toujours en mode "street" bien entendu), moins informes lorsqu'elle se sent plus joyeuse, plus vive (voir ici et là). Une illustration assez réaliste du trouble bipolaire…
Par Lise Huret, le 09 septembre 2019
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J'espère que les séries vont avoir tendance à prendre ce tournant. Ici le spectateur n'est pas mis à distance et assimilé à un simple consommateur, à l'intelligence sous estimée. Ici, on fait écho à son vécu, il est à la fois inspiration et inspiré. C'est comme une invitation à assumer la personne que l'on veut être.