Benoit Colomb

Holiday diary (partie 2)

À la fois simples et complexes, doux et intenses, étranges et familiers, ces derniers jours passés dans le giron familial m'ont une fois de plus chamboulée et enrichie. Souvenirs illustrant - de manière non exhaustive - notre escapade lozérienne…
Benoit Colomb

2 août


7h. Mon téléphone sonne. Un peu tôt pour un coup de fil, mais qu'importe : en vacances les règles n'ont plus vraiment cours… 
"Je vais au Puy, tu m'accompagnes ?"
Le ton de ma petite soeur a beau être innocent, je ne m'y trompe pas : c'est un test. Vais-je être à la hauteur de mon statut de grande soeur/marraine, ou bien laisserai-je une fois de plus mes obligations d'épouse et de maman prendre le pas sur notre relation ?
Ayant conscience que les occasions de passer du temps avec elle se font de plus en plus rares (elle travaille pour une ONG au Congo), je n'hésite pas bien longtemps. 
"Ok, c'est parti !"
Au programme : petit-déj ' et coiffeur. 

8h30. Le café a beau être trop serré, le pain aux raisins trop sucré et la pluie trop froide, je savoure de pouvoir discuter à coeur ouvert avec celle qui m'échappe depuis de nombreuses années. Au fil des rires, des sous-entendus malicieux, des banalités apaisantes et des souvenirs douillets, nos liens se resserrent peu à peu. 

9h. Momentanément essoré, le ciel gris perle nous permet d'aller arpenter les ruelles de ma ville natale. Au détour de l'une d'entre elles, un surf posé dans la vitrine d'une boutique pour homme m'intrigue. 
"Viens, on rentre !".
Si la planche s'avère finalement peu intéressante, la sélection prêt-à-porter - entre chemises hawaïennes, chino et sweat streetwear - me parle instantanément. 
Je tends un tee-shirt Maison Labiche à ma soeur.
"Vas-y, essaie-le !" 
- "Mais il est trop grand..." 
- "Mais non tu verras, fais-moi confiance !"

Elle ressort de la cabine quelques secondes plus tard, peu convaincue. 
"Attends un peu..."
Je noue le tee-shirt dans le bas, roulotte les manches et fais légèrement blouser le jersey de coton. Elle se regarde à nouveau dans la glace et esquisse un sourire. 
"Ah oui, pas mal !"
- "Tu pourras le porter avec ton short en jean, ta longue jupe abricot ou encore sur ta mini robe tube".

N'ayant rien raté de notre conversation, la vendeuse me lance alors : "Mais dites-moi, vous savez vraiment y faire... Je vous embauche !".

11h30. "Merci, au revoir !"
- "A jamais tu veux dire !"
murmure ma soeur en sortant du salon de coiffure. Je la regarde et laisse échapper le rire nerveux qui couve en moi depuis une demi-heure. Il faut dire que la subtilité n'est pas le fort de cette coiffeuse ponote. Alors que nous désirions simplement nous faire couper les pointes et effiler quelques mèches, nous voici respectivement transformées en Amélie Poulain et André Agassi. L'énormité de la situation nous propulse dans un état d'hilarité impossible à maîtriser. 
Peu importe les conséquences de cette catastrophe capillaire (rupture pour elle, divorce pour moi) : ce magistral fou rire achève de nous prouver que notre complicité reste intacte.  Et me fournit - accessoirement - le parfait prétexte pour m'offrir la casquette de mes rêves...

4 août


13h. Bien plus forte physiquement - grâce au surf - que l'année dernière, j'ai très envie de me frotter à nouveau à la via ferrata de Florac et à son parcours estampillé "très difficile". Je compte particulièrement prendre ma revanche sur le pan de falaise qui me tira des larmes d'épuisement. 
C'est donc excitée et désireuse d'en découdre avec moi-même que je chante à tue-tête dans la voiture qui traverse Mende. À l'arrière, ma nièce (19 ans) - que j'entraîne avec moi dans l'aventure - oscille entre enthousiasme rigolard et trouille discrète. Julien affiche quant à lui un calme olympien. Il faut dire qu'étant sujet au vertige, il se contente aujourd'hui de jouer le chevalier servant…

14h50. Baudriers enfilés, casques réglés et mousquetons testés, nous voici enfin - après 45 minutes de marche - au point de départ du parcours. Je brûle d'impatience. Premier passage : fluide. Second passage (un peu technique) : ultra fluide. Est-ce vraiment le même itinéraire que l'année précédente ? La progression continue. Les exclamations et la lenteur précautionneuse de certains me font prendre conscience que ce n'est pas l'ascension qui a muté en promenade de santé, mais bel et bien moi qui a évolué. 
Ce sentiment de facilité me galvanise. Je me place en queue de peloton, prends mon temps, conseille mon binôme et m'amuse à prendre des poses décontractées sur un tombant à 200m d'altitude (dans cet esprit).
Néanmoins, à l'approche du point le plus ardu du parcours, je me crispe. Le souvenir de mes muscles tétanisés fissure ma nonchalance. Mon orgueil m'interdit cependant de montrer le moindre signe de faiblesse. Alors je me lance, enchaîne les échelons sur un dévers, puis sur un autre, change les mousquetons en me maintenant à la seule force de mon bras droit et finis par arriver à 3 mètres du sommet où il me faut effectuer un léger saut de côté afin de longer latéralement la paroi. Ne pas regarder en bas… Je saute. La panique guette. Ne pas regarder en bas. Je me concentre sur les prises. Contourner la corniche. Fini ! Je n'ai pas pleuré, je n'ai pas tremblé, mais j'ai bien compris que le chemin est encore long avant d'atteindre le niveau de Julia Chanourdie

6 août


19h50. Argh... C'est la troisième fois que je me brûle en deux semaines. Or, à en juger par la douleur, cela ne va pas passer inaperçu. Il faut dire que vider dans la précipitation 2.5 kg de pâtes (et leur eau bouillante) dans une passoire géante n'était pas très malin. Hors de question cependant de gâcher les 18 ans de mon neveu : pâtes carbonara il y aura, et tant pis pour ma main ébouillantée. 
La soirée se passe, joyeuse et rieuse. Je me concentre sur le service, mais veille également à relancer les conversations, à poser les bonnes questions, à rebondir sur telle ou telle plaisanterie.
Je sers le gâteau et décline le tournoi de Poker.
Dans la cuisine, j'intercepte maman : "Dis, tu n'aurais pas un truc contre les brûlures ?". En retombant, la pression a libéré la douleur. Mon alliance râpe la peau rose vif de l'entre doigts. "Mais Lise ! Pourquoi ne m'as-tu rien dit avant ? Allez viens".
Elle m'emmène dans la salle de bain, examine ma main. Pas de cloque, que des zones rouges à différents endroits. Elle file chercher un pot de miel bio, en inonde ma main, la bande puis l'entoure d'un sac plastique. "Garde cela toute la nuit".
Hippie un jour, hippie toujours...

9 août


10h30. Étant légendairement nulle en maths, les calculs que papa est en train d'effectuer sous mes yeux me plongent dans un brouillard soporifique. Il me faudra pourtant bien maîtriser un jour ces opérations mathématiques si je veux pouvoir réaliser mes propres émaux… J'essaie de me concentrer, hoche légèrement la tête (afin de simuler la compréhension), émets des "ah ouiiiii" dignes d'une élève du cours Florent et retombe dans la brume doucereuse de l'ignorance. 
"Ne t'inquiète pas. Je vais tout te noter, tu n'auras plus qu'à faire les mélanges."
Soupir de soulagement...

10 août


9h"Récolte du jour !" clame fièrement Charles. Dans son panier d'osier trônent deux courgettes ("Il faut les tourner doucement pour les détacher maman, sinon on arrache tout"), de la menthe en pagaille, six carottes, du thym, trois oeufs ("celui-ci c'est celui de Blanchette, celui-là de Roussette et l'autre de Coquette"), un bol de framboises et une dizaine de radis. C'est décidé : dès notre retour, nous nous lançons dans la création d'un potager ! 
Cela étant dit, contrairement à mon fils, je n'ai pas eu de coup de foudre pour ces demoiselles à plumes aux excréments collants et odorants. Nous ferons donc l'impasse sur le poulailler...

Souvenirs en vrac...


Le plaisir de refaire le monde encore et encore avec Julien lors de nos promenades en amoureux.
Le tube de crème de marron ardéchois terminé en un dessert.
Le roux moiré du renard venu roder autour du poulailler.
La voix rieuse et si réconfortante de ma tante de 72 ans.
Les ballons de baudruche transformés en bombes à eau. 
Les câlins poisseux d'enfants exténués mais heureux.
Mon impossibilité à trouver le sommeil lors de ma première nuit passée sans Julien depuis notre mariage.
L'ajout de quelques mots - apparemment essentiels - au vocabulaire français de Charles : coucougnette, foufougnette... (merci les cousins !)
Première cuisson de mes bols et joie d'avoir été au bout du processus de création.
Les regards complices de papa.
La course bondissante d'un faon traversant le pré devant la maison.
La saveur des framboises sauvages s'écrasant entre mes dents qu'aucun sorbet ne pourra jamais égaler.
Les goûters gargantuesques dévorés en quelques minutes par la tribu de cousins.
Le persil frais, la menthe et la coriandre piochés dans le potager et mâchouillés en guise d'apéritif.

Copyright photo : Benoit Colomb
Par Lise Huret, le 16 août 2021
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20 commentaires
Tous les commentaires
AndreaIl y a 3 ans
Ah ah ah l'épisode du coiffeur m'a aussi provoqué un fou rire (merci pr la photo d'Agassi !).
Bonne rentrée !
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Lise (TDM)Il y a 3 ans
Ah ah ah ah ;)
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laureIl y a 3 ans
j’adore ce style d’articles !
En fait, tu es tout le temps en quête de sensations fortes !
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Lise (TDM)Il y a 3 ans
Je ne vis que pour cela ;)
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Olivia Il y a 3 ans
Tu me donnes envie de découvrir cette region ;)
La crème de marron est également mon péché mignon. Dans le fromage blanc, c'est un truc de fou ...
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Lise (TDM)Il y a 3 ans
Je ne peux que t'y encourager ;)
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elsaIl y a 3 ans
Ah les promenades en amoureux ! J'ai l'impression qu'on est toujours très (plus?) sincère quand on discute en marchant.
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Lise (TDM)Il y a 3 ans
Je suis totalement d'accord avec toi ! Rien de mieux que les promenades pour parler sans faux semblant :)
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carolineIl y a 3 ans
Hello Lise, j'ai passé 2 semaines en Ardèche entre rivière et randonnées pédestres, De retour su Paris cela me manque déjà....mais j'ai fait un stock de crème de marrons Imber d'Aubenas... ;-) Ton escalade m'a fait pensé au documentaire Free Solo, l' as tu vu? C'est très impressionnant et beau.
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Lise (TDM)Il y a 3 ans
Je pense qu'on finira tous par revenir vivre au plus près de la nature ;) Les grandes villes perdent peu à peu de leur attrait ;)

Free Solo : totalement fou !
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carolineIl y a 3 ans
oui, un extra-terrestre! ;-)
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EstarlaIl y a 3 ans
Je suis très impressionnée par ton récit de escalade. Wow. Merci de partager avec nous ces moments précieux et bon retour !
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Lise (TDM)Il y a 3 ans
Merci !
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Svs au LuxbgIl y a 3 ans
Chère Lise,

Merci pour ce second volet vacances. Je serais bien curieuse de voir la casquette de tes rêves ainsi que ta coupe Agassi ( à moins que pour toi ce ne soit Amélie Poulain?).
Bravo pour la séquence escalade, cela m’effraie et me fascine à la fois.
Bonne continuation avec la poterie.

Affectueusement
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CarolineIl y a 3 ans
J’aime beaucoup ce post - et le précédent.
J’ai l’impression qu’après le stress de l’anniversaire, le plaisir d’être en famille prend le dessus (parfois même sur les brûlures...)?
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violette.bIl y a 3 ans
Hello Lise , au Puy moi aussi pour ce we du 15 Aout , je pense avoir vu la boutique "hawaienne" .
Cette année aussi j'ai vu un renard , et l'an passé c'était dans un petit chemin le renard s'est arrêté .....pour me regarder ....je suis rousse comme lui ;-) , j'ai vu des étoiles filantes, une haie de framboises sauvages sur le chemin de crête ....enfin bref tout cela partagé avec mes amis m'enchante et me ressource chaque année , mais je reste une ultra urbaine , je ne pourrais vivre là .
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LucieIl y a 3 ans
Quelle écriture : j'avais l'impression d'y être du début à la fin!
C'est si fluide, si sincère, si sensibles, comme extraits sans retouche de ton âme (!!!)

Et comme si plus que du travail, il y avait de toi
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Lise (TDM)Il y a 3 ans
Oh Lucie ... Tu me touches infiniment ! Merci !
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CorineIl y a 3 ans
Magnifique et magique ... merciiiii !!!
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ArianeIl y a 3 ans
Oulala bravo pour l’escalade!!!
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