Si le jean est aujourd'hui l'un des vêtements les plus portés, tous âges, sexes et milieux confondus, ce fut loin d'être toujours le cas. En effet, cela fait à peine 60 ans que le jean trône en guest star au sein des garde-robes les plus branchées. Il faut dire qu'à l'origine, cette toile rêche et pas forcément très esthétique était bien plus destinée à résister à la dure vie des mineurs qu'à être customisée par Damien Hirst...
L'histoire du blue-jean commence à la fin du 19e siècle, lorsqu'un immigré allemand dénommé Loeb Strauss pose le pied aux États-Unis (il se fera enregistrer plus tard sous le nom de Levi Strauss). Strauss a fait le voyage avec ses deux soeurs afin de rejoindre leurs frères qui travaillent dans le textile à New York. Il restera auprès d'eux quelques années, avant de partir s'installer à San Francisco en 1853, où il ouvre un magasin de tissu et crée l'entreprise "Levi Strauss and Co.".
Sur place, il observe les chercheurs d'or - nombreux alors dans la région - et se rend rapidement compte que leur tenue n'est absolument pas adaptée à leur travail : leurs pantalons s'usent extrêmement vite. En bon professionnel du textile, Levi Strauss se met à réfléchir à une matière potentiellement inusable...
Il pense alors aux toiles de tente que l'on trouve sur les concessions et décide d'y tailler quelques pantalons. Le résultat est on ne peut plus probant : les pantalons de travail produits par Levi Strauss s'avèrent ultra résistants. La légende raconte d'ailleurs que pour prouver leur qualité, Strauss a décidé d'attacher l'un d'eux à deux chevaux, ces derniers tirant dans des sens opposés : soumise à rude épreuve, la toile ne s'est pas déchirée (cette anecdote serait à l'origine du graphisme que l'on retrouve aujourd'hui sur les étiquettes des jeans Levi's).
Oui mais voilà, pour l'instant la toile est trop robuste et pas assez agréable à porter pour que le jean soit adopté massivement. Or, après quelques années de recherche, Levi Strauss finit par découvrir une matière plus souple, mais tout aussi résistante : le denim (son appellation faisant référence à sa ville d'origine, Nîmes).
Il faudra néanmoins attendre 1875 pour que le jean Levi's prenne la forme que nous lui connaissons, et ce grâce à Jacob Davis, un tailleur du Nevada. Ce dernier a l'idée de renforcer les parties fragiles des vêtements par des rivets : les coins des poches et le bas de la braguette deviennent quasiment indéchirables. Ne pouvant se lancer seul - par manque de moyens - il propose son idée à Levi Strauss ; ils déposeront ensemble le brevet.
Le jean Levi's voit alors le jour en 1873 : rivets au coin des poches et coutures évoquant un aigle sur les poches revolver sont autant de détails qui ne bougeront plus. 17 ans plus tard, le 501 fait son apparition (il doit son nom à la référence d'un lot de toiles utilisées pour la production). Il deviendra le produit phare de la griffe.
Peu à peu, les jeans Levi's passent du statut de vêtement utilitaire à celui de produit cool. Il faut dire que la griffe lança en 1930 une grande opération de communication, qui inonda l'Amérique de publicités évoquant l'ADN coolissime du jean Levi's. Cela fonctionne à merveille : la jeune génération commence à adopter le blue jean en tant que basic.
Ce n'est pourtant que dans les années 50 - lorsque des stars telles que James Dean et Marilyn décident de se l'approprier - que Levi's devient peu à peu une marque mythique. Dès lors, le jean transcende sa nature de basic pour devenir un symbole de jeunesse et d'anti-establishment. Le 501 est alors sur tout ce que le monde compte de branchés, des rockeurs à Marlon Brando, en passant par Andy Warhol : Levi's est au sommet de sa gloire.
Cependant, la concurrence se fait de plus en plus rude, et Levi's a beau diffuser des campagnes de publicité faisant mouche auprès des jeunes, les années 90 s'avèrent difficiles. D'autant plus qu'en 1991, Levi's est mis au banc des accusés : on lui reproche de faire produire ses jeans en Chine dans des conditions désastreuses. C'est un énorme coup dur pour la griffe, qui voit ses ventes chuter violemment.
Néanmoins, les descendants de Levi Strauss ne baissent pas les bras. Ils décident de faire appel au bureau de tendance "Early Adopters", afin de parvenir à coller au mieux aux attentes du marché. En 2001, Levi's renaît finalement de ses cendres en lançant un nouveau modèle : le Levi's Engineered, qui est un véritable succès. En 2002, ils collaborent avec Walmart et mettent au point la ligne "Levi's Signature", composée de vêtements confortables et trendy pour toute la famille.
La griffe a également compris que si elle voulait perdurer face à des challengers tels que Diesel ou Guess, il fallait être à la pointe niveau innovation et marketing. Les équipes stylistiques de Levi's sortent ainsi régulièrement des produits utilisant de nouvelles techniques de coupe (capables de séduire la jeune génération), mais aussi des jeans esprit vintage (afin de coller aux envies "fripes" du moment) ou encore des vêtements 100% écologiquement corrects.
De leur côté, les spots publicitaires n'en finissent pas de jouer sur les cordes sensibles de la jeunesse (premier flirt, dépassement de soi, etc...). Et lorsqu'ils n'invitent pas Cat Power ou Nicolas Duvauchelle à jouer les mannequins, c'est pour mieux surfer sur le net, via des publicités virales...
En parallèle, Levi's est également en train de grignoter quelques galons hype. La griffe vient en effet d'installer dans le Marais une boutique dédiée à ses séries limitées et autres éditions vintage, tandis que de l'autre côté de la Manche, le très déluré et branché Henry Holland s'est permis de revisiter le mythique 501 lors de son défilé été 2009...
Tout en conservant son aura de jeaneur de bonne qualité (la vente de 501 génère 50% de son chiffre d'affaires), Levi's a su entamer le 21e siècle avec brio, tenant ainsi la dragée haute à Monsieur Renzo Rosso...
Par Lise Huret, le 01 avril 2009
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Super confortable et très joli !