À l'origine de ce kaléidoscope chronologique rassemblant images et modèles d'archives se trouve la maison d'édition Textuel, qui commanda à Olivier Saillard - responsable des expositions aux Arts Déco - un livre sur l'histoire de la mode. Celui-ci a alors l'idée de partir des défilés pour mettre en exergue l'influence de certains créateurs sur ces 40 dernières années.
Dès la parution du livre, Olivier Saillard ressent l'envie de lui offrir une dimension tridimensionnelle sous les arcanes du musée des Arts Décoratifs. C'est ainsi que depuis le 1er avril, le premier volet de la rétrospective - qui concerne les années 70/80 - s'offre au regard des curieux et des aficionados de la mode, délivrant une vision du passé instructive et passionnante.
L'exposition s'ouvre sur le défilé "Années 40" d'Yves Saint Laurent qui, en créant le scandale, révolutionna aussi bien le prêt-à-porter (qui prend alors le pas sur la haute couture) que le statut de créateur (qui commence à sortir de l'ombre). Tout au long des seventies, la mode n'aura ainsi de cesse de fleurer bon la liberté et l'insouciance : les mannequins sourient, les défilés sont interminables...
La décennie voit également éclore un prêt-à-porter ayant vocation à aller à l'essentiel. D'où la naissance du mouvement "Créateurs et Industriels" de Didier Grumbach et Andrée Putman, dont Issey Miyake (avec son principe de simplification à l'extrême du vêtement) s'avère être le fer de lance. Sans parler des Kenzo, Dorothée Bis, Chantal Thomass et autres Cacharel, qui profitent de l'industrialisation de la mode pour se développer et offrir une mode jeune et portable. Le prêt-à-porter semble alors avoir volé la vedette à la haute couture, à tel point que les maisons mettent désormais l'accent sur celui-ci.
Visionnaire, un créateur annonce dès la fin de la décennie de quoi sera faite la suivante. Il se nomme Thierry Mugler et mise sur la créativité et les excès en tous genres. Très vite, les faits lui donneront raison...
Les créateurs sont en effet devenus des demi-dieux, tandis que les défilés brillent par leur extravagance et que les modes se renouvellent sans cesse. Ce sont d'ailleurs ces années qui mettront à l'honneur Jean Paul Gaultier et ses impertinences, la technocouture d'Alaïa et Audibet ainsi que Christian Lacroix et ses inclinaisons baroques.
De leur côté, Mugler et Montana s'ingénient à donner à l'époque un modèle de femme dominatrice à la silhouette fantasmée (entre carrure oversize et taille de guêpe). Pendant ce temps, les Japonais - à l'instar de Rei Kawakubo et Yohji Yamamoto - déconstruisent la mode pour mieux la reconstruire.
Peu à peu, les prémices d'une nouvelle tendance liant au plus près art et mode commencent à se faire sentir, notamment avec les présentations ludiques de Jean-Charles de Castelbajac puis l'arrivée en 1989 de Martin Margiela.
Au final, on aurait tort de croire ces décennies dépourvues d'intérêt, sous prétexte de leur trop grande proximité. Au fil des images, de multiples détails nous font en effet prendre conscience que ce qui nous semble aujourd'hui immuable ne l'était pas il y a 30 ans de cela. Il fut ainsi un temps où les groupes de luxe ne cannibalisaient pas la mode, où les créateurs n'étaient pas soumis à la pression du résultat immédiat et où les mannequins n'affichaient pas une mine renfrognée, une démarche saccadée et un poids minimal...
"Histoire idéale de la mode contemporaine - Les années 70 & 80", du 1er avril au 10 octobre 2010 aux Arts Décoratifs de Paris
Plus d'infos : https://madparis.fr/histoire-ideale-de-la-mode-contemporaine-vol-i-70-80/
Par Lise Huret, le 03 mai 2010
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