Autour de moi, les réactions furent diverses, allant des réflexions esprit tweet de Loïc Prigent à celles d'amies sincères me disant "c'est bon là, il faut que tu arrêtes de perdre" en passant par l'inquiétude de ma mère, qui trouvait que j'avais l'air très fatiguée. Je ne retenais évidemment que les premières...
Une fois la maladie envolée et la faim revenue, les choses commencèrent à se compliquer. D'anciens réflexes datant de ma période d'anorexie refirent insidieusement surface, me susurrant des pensées perverses que je pensais à jamais oubliées. Mon "savoir" d'antan me revint d'un bloc et mon cerveau se mit en mode "contrôle", calculant automatiquement le nombre de calories des aliments, éradiquant les associations alimentaires "interdites", bannissant le sucre, évitant la graisse et allongeant mes séances de course à pied. Très vite, les déjeuners pros devinrent de plus en plus compliqués à gérer, les moments de complicité régressive de type "Haribo" avec Julien disparurent et le Coca Light redevint mon meilleur ami…
Alors oui, j'avais enfin le corps qui me faisait fantasmer, mais à quel prix ?
Quelques semaines plus tard, en regardant Charles sourire aux anges en engloutissant ses cuillères de compote, j'eus un électrochoc : quel modèle allais-je donner à cet enfant si je laissais se réinstaller une relation négative à la nourriture ? Voulais-je vraiment me remettre à manger dissocié, à diaboliser les desserts, à contourner les invitations à déjeuner, à envisager le sport non plus comme une source de plaisir mais comme un moyen d'évacuer mes "excès", à ne plus supporter que l'on me touche de peur que l'on frôle un petit bourrelet, à rêver à l'été uniquement pour ses pastèques hypocaloriques ?
Sans surprise, la réponse fut pour moi loin d'être évidente, la force des mécanismes du passé se révélant quasi irrésistible. Après plusieurs nuits à retourner le problème dans tous les sens, je finis néanmoins par décider qu'il était hors de question que la nourriture redevienne un sujet à part entière dans ma vie. Je me confiai alors à Julien et lui demandai de m'aider à ne pas me laisser glisser. Depuis, je suis vigilante, le spectre de la jeune fille maigrissime que j'étais il y a 10 ans me servant d'épouvantail. À suivre...
Par Lise Huret, le 20 mars 2014
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