Un usage excessif des célébrités
Rares sont aujourd'hui les marques qui ne cherchent pas à associer leur image à celle d'une "it" girl en vogue afin d'obtenir un gain de visibilité. Désormais, on ne plébiscite ainsi plus une muse pour son aura ou son univers, mais pour son nombre de followers sur Instagram. Or, le phénomène a pris une telle ampleur ces derniers temps qu'il en vient souvent à supplanter le travail du créateur. Lorsque Kendall Jenner défile chez Chanel, on parle ainsi moins de la collection en elle-même que de l'apparition de la jeune femme, tandis que lorsque Kim Kardashian assiste au show Givenchy, on se souvient davantage des photos d'elle en front row que des silhouettes du défilé...
Des designers ultra pressurisés
Entre rythme dévorant leurs réserves physiques et ne permettant pas de nourrir comme il le faudrait leur créativité, réseaux sociaux à conquérir, tentation de devenir une rock star, obligation de faire du chiffre et nécessité de se renouveler vite et bien, les directeurs artistiques des grandes maisons de mode s'usent vite, trop vite pour offrir une identité stable et pérenne aux griffes pour lesquelles ils officient.
Des influenceurs qui prennent le pas sur les journalistes
Pour exister, la mode a besoin de critiques soulignant la faiblesse de telle collection ou le génie de telle autre, de journalistes capables de mettre en perspective la mode d'aujourd'hui au regard du passé, de rédactrices de mode sachant apprécier une coupe et détecter une tendance… Or, celles et ceux qui faisaient jusqu'ici le lien entre les podiums et le consommateur se voient peu à peu remplacés par une armée d'influenceurs au compte Instagram surboosté. À tel point que l'image instantanée a aujourd'hui remplacé la critique de défilé. Il faut dire qu'entre un cliché faisant 10000 likes sur Instagram et une revue de défilé qui ne sera lue que par une poignée de lecteurs, le choix est souvent vite fait pour les marques...
Une omniprésence des grands groupes
Si le rachat de bon nombre de maisons de couture par les grands groupes a permis à certaines de survivre, il leur a également ôté une certaine liberté en leur imposant les règles du marché. Une maison de mode est-elle faite pour générer des millions ? C'est en tout cas ce que semblent s'être fixés comme objectif les LVMH et autres Kering, au risque de dénaturer lesdites maisons et de leur faire perdre leur âme. Il serait certainement plus sain, plus cohérent, mais aussi plus rentable sur le long terme que les investisseurs aident les créateurs à monter leur propre structure plutôt que de les essorer à des postes de DA qui apparaissent de plus en plus comme interchangeables. Pour continuer à séduire, la mode a en effet besoin d'une plus grande liberté et de rester en connexion directe avec les attentes des clientes...
Un impact humain et écologique majeur
Difficile, après avoir vu le documentaire "The True Cost", de continuer à faire comme si de rien n'était. Et pourtant, la machine continue de s'emballer : alors que certains évoquent d'ores et déjà le concept de robe à 1 dollar, de plus en plus de griffes se sentent obligée d'ajouter collections pre-fall et croisières à leur calendrier...
Des prix déraisonnables
Totalement déconnectés du coût de revient, les prix du prêt-à-porter - de Zara à Isabel Marant en passant par Maje et Saint Laurent Paris - ne veulent aujourd'hui plus rien dire. Il serait ainsi temps que les choses soient remises à plat de manière à rendre le consommateur conscient du prix réel des choses et d'arrêter de faire du vêtement une vache à lait alors que celui-ci n'a vocation ni à être jetable, ni à se démoder au bout de 6 mois. Autrement dit, oui à une écharpe à 600 euros si elle est issue d'un atelier artisanal, oui à une robe à 30.000 euros si ses broderies ont nécessité des centaines d'heures de travail, mais non aux manteaux à 430 euros composés d'à peine 30% de laine...
Ce que j'en pense
Face à ce constat, il est urgent que les choses évoluent, sous peine de voir totalement disparaître la mode que l'on l'a aimé au profit d'une industrie désincarnée, avide de profits, désintéressée du beau, vide de sens et clairement inhumaine. Concrètement, je pense que c'est aux créatifs de reprendre le pouvoir. Pourquoi pas une "université d'été" regroupant les créateurs du monde entier et visant à inventer les modèles économiques de demain ? Solitaire par essence, le créateur devrait se connecter non pas à son compte Instagram mais à ses pairs, afin d'établir de nouvelles règles qu'ils imposeront aux dirigeants des grands groupes. Car comme nous le montre l'épisode Lanvin/Elbaz, il n'est pas normal que dans un couple financier/créateur, le premier ait toujours le dernier mot. Il en va de la survie de la valeur créative en milieu fashion...
Par Lise Huret, le 03 novembre 2015
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Marre d'être des vaches à lait, et marre des blogueuses star porte-manteau façon Chiara Ferragni et autres qui nous débitent un nouveau sac Chloé toutes les semaines, poussant toujours plus à la consommation...
Désormais je me tourne beaucoup vers la seconde main (l'avantage avec ce turn-over, c'est que l'on peut trouver des articles parfaits à bas prix, comme un paire de Vivier neuves à 150 euros...) et c'est très bien comme ça !