Bonjour Déborah, quel est ton parcours ?
J'ai commencé à travailler chez Hermès en tant que chef de produit au département Soie, puis je suis partie travailler à Shanghai pour le Groupe Etam. J'ai démissionné de ce dernier poste et j'ai commencé à réfléchir à lancer mon propre projet.
Comment t'es venue l'idée de créer De Bonne Facture ?
Chez Hermès, j'avais eu la chance de travailler avec des artisans exceptionnels, de petits ateliers sous-traitants qui réalisent un travail extraordinaire pour les grandes maisons. J'ai été sensibilisée à ce savoir-faire et j'ai eu envie de construire un projet qui mette en avant des ateliers et avant tout de la qualité. En fait, j'avais envie d'incarner à nouveau le produit dans sa matérialité : matières, fournitures, détails, mode de fabrication. Ça me semblait important dans un secteur où l'image avait pris le dessus sur le produit. J'ai commencé à chercher des ateliers en France, avec un fort ancrage local et une tradition de fabrication sur des savoir-faire spécifiques : maille, chemise, cravate tricotée, pantalon... avec l'idée d'une ligne masculine de pièces simples, sobres et contemporaines, avec un choix de matières naturelles et authentiques. J'étais aussi très inspirée par la marque anglaise S.E.H Kelly qui me fascinait.
Comment procèdes-tu pour créer tes modèles ? Croquis ? Dessin à plat ?
Je fais un croquis et travaille aussi à partir d'inspirations visuelles et de pièces vintage. Je montre ce croquis et ce dossier d'inspirations à mon modéliste qui travaille un premier patron. Nous montons une première toile que l'on affine au fur et à mesure des essayages. Puis nous montons le prototype dans la matière finale. Toujours dans l'idée de montrer le process de fabrication chez De Bonne Facture, nous avons réalisé toutes nos doublures en toile de patronage à partir de l'Edition 7 que tu as vue au Pitti.
Pourquoi des "éditions" plutôt que des "collections" ?
Des éditions parce que DBF propose des pièces faites pour durer et que je ne voulais pas m'inscrire dans une démarche "mode". L'idée est de conserver des modèles saison après saison en les déclinant dans de nouvelles matières ou avec de nouveaux détails.
Pourquoi avoir choisi de faire de l'homme ?
J'ai toujours préféré le vestiaire masculin : ses matières, son côté technique, qualitatif et intemporel.
Quel est ton client type ?
Un homme sensible à ce vestiaire et à la qualité des matières, des finitions... Cela peut aussi bien être un homme aux goûts classiques qu'au vestiaire pointu.
J'ai l'impression que tes pièces peuvent très bien être portées par des femmes. Est-ce vraiment le cas ?
OUI ! Je rêve d'ailleurs de pouvoir décliner toutes les pièces homme en version femme, j'ai déjà commencé, c'est disponible à notre showroom et nous les faisons à la demande. L'idée est d'adapter le patronage à un fit femme, en gardant l'esprit menswear et avec les mêmes matières, ateliers et détails de fabrication.
Comment sont calculés les prix de tes pièces ?
Les prix sont calculés à partir du coût des matières, des doublures et de la façon. Si nous appliquions les coefficients des marques classiques, nous serions au niveau des grandes maisons, ce qui est impossible pour une jeune marque malgré la qualité de notre produit. Ainsi c'est un compromis permanent entre la qualité de ce qu'on offre et le prix de marché. Quand on regarde certaines marques fabriquées en Europe de l'Est avec des matières standard, nous ne sommes parfois que 15 ou 20% plus chers, malgré des coûts beaucoup plus importants : matières japonaises, boutons en corne véritable, fabrication par des ateliers locaux français, travail poussé sur les coupes... C'est un positionnement particulier qui est comme me le disait un spécialiste américain "la niche confidentielle sur laquelle la marque donne au client le maximum de valeur pour un minimum de coût". Mais c'est une analyse d'initié qui n'est pas toujours comprise hors des personnes qui s'intéressent de près au produit, heureusement dans le menswear cette communauté s'élargit.
As-tu des difficultés à trouver des distributeurs ?
Non, de très belles boutiques nous ont tout de suite repérés, mais c'est un vestiaire réservé pour l'instant aux connaisseurs et j'espère que l'on pourra davantage le faire connaître.
Ton meilleur souvenir avec De Bonne Facture ?
Tous les moments où j'ai pu passer du temps avec des personnes que j'admire dans ce métier. Tous les moments où je croise quelqu'un qui porte une de nos pièces ou simplement qui apprécie mon travail. J'ai d'ailleurs offert un pull à J.W.Anderson pour Noël et il a adoré, c'est intéressant de voir que quelqu'un qui réinvente la mode aime porter des pièces simples, sobres et de qualité.
Ta plus grosse galère d'entrepreneuse ?
Le financement. Les cycles de trésorerie sont difficiles à financer, plus on grandit, plus ils sont importants, et on a toujours besoin de continuer à investir pour développer la marque.
Es-tu confiante pour l'avenir ?
OUI !
Comptez 200 euros pour une chemise, 350 euros pour un pull et 960 euros pour un pardessus.
Site officiel : http://debonnefacture.fr/
Par Lise Huret, le 25 janvier 2016
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