Sous l'objectif de Peter Lindbergh, ce sont en effet des actrices qui prennent la pose. Des actrices dont les dates de naissance font le grand écart et dont on a cherché à livrer un portrait "authentique". Sur les clichés du célèbre photographe (qui avait déjà oeuvré à deux reprises pour le fabricant de pneumatiques), on distingue ainsi ce que Photoshop a trop souvent tendance à gommer, à savoir tendre relâchement de peau, front légèrement marqué ou encore ridules sillonnant le contour du regard.
Autant de minuscules détails qui, s'ils peuvent nous désespérer lorsqu'ils nous concernent personnellement, confèrent ici au visage et au corps une histoire, une identité, une singularité. On réalise alors, émue, que bien que privées de la tension de l'extrême jeunesse, ces femmes n'en demeurent pas moins hypnotisantes, désirables et captivantes. Ciselés par les aléas de la vie, les déceptions, l'action des radicaux libres, les choix alimentaires, les joies et les remises en question, ces physiques d'actrices gagnent en humanité, à tel point que l'on tomberait presque plus facilement amoureux d'elles maintenant qu'il y a 20 ans. Il faut dire qu'il émane de leurs "imperfections" une densité qui se révèle au moins aussi désirable que la perfection lisse d'un épiderme de moins de 25 ans.
Alors bien entendu, ces femmes sont hors norme de par leur capital génétique exceptionnel et leur métier qui leur permet de se faire chouchouter autant que nécessaire. Pour autant, les photos de Lindenberg n'en font pas moins du bien, tant notre réalité se rapproche plus de la beauté imparfaite de ces femmes sublimes que de celles des mannequins retouchées à l'extrême des publicités pour gélules anti-rides. Et si cette série de photos ne gommera évidemment pas mes angoisses face au temps qui file, je pense qu'elle participera à me faire envisager la problématique beauté/vieillissement sous un angle un peu plus bienveillant. À une époque où les images issues du milieu de la mode ont davantage tendance à complexer qu'à inspirer, cela n'est déjà pas si mal...
Par Lise Huret, le 30 novembre 2016
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