Fashion week de Paris - Printemps/été 2018 (1ère partie)
Entre coup de foudre Jacquemus, malentendu chez Saint Laurent, sportswear rétro Lacoste, imprimés nuages mélancoliques signés Dries Van Noten et féminisme mercantile chez Dior, petit passage en revue de ce qu'il faut retenir des premiers défilés de la fashion week parisienne...
Jacquemus
Pour être tout à fait franche, je ne fais pas partie de ceux qui furent touchés par les premiers pas en 2015 de Simon Porte Jacquemus. Je trouvais alors son travail peu abouti, maladroitement naïf et trop détaché des contraintes du prêt-à-porter. Sans parler du regard énamouré que la fashion sphère posa immédiatement sur ce beau jeune homme, avant même que celui-ci ait réellement fait ses preuves.
Il aura ainsi fallu attendre ce mardi pour que je sois enfin convaincue par une collection Jacquemus. Je crois d'ailleurs que je ne serai pas la seule, tant l'évidence sublime de ce vestiaire possède quelque chose d'universel.
Il est vrai qu'entre les drapés aux attaches fragiles, les jupes paréos à la saveur rétro, les robes évoquant quelques draps froissés et les liquettes blanches nonchalamment glamourisées, tout respire la sensualité au sein de cette collection printemps/été 2018. Sous l'impulsion de celui qui a choisi de faire du flou le maître mot de cet opus, les étoffes se liquéfient, les bretelles glissent, tandis que les coloris organiques calment la sexyness des impudeurs estivales.
Ajoutez à cela une poignée de petites robes noires alliant chic intemporel et indéniable fraîcheur (voir ici, ici et là) et vous obtiendrez un sans-faute présageant du meilleur pour celui qui dédie systématiquement ses collections à sa mère disparue trop tôt.
Saint Laurent
Pour son défilé printemps/été 2018, Isabel Marant développe avec un génie suave l'ADN de sa griffe. Face à ses superpositions d'étoffes piquées de fils de lurex, ses shorts en cuir taille haute haute bien taillés, ses bottes à la parure froufroutante et ses sensuelles blouses de mousquetaire, on se dit ainsi que la créatrice parisienne est en grande forme. Seule ombre au tableau : contrairement aux apparences, nous ne sommes pas ici chez Isabel Marant, mais bel et bien chez Saint Laurent...
Dries Van Noten
Si le créateur belge connaît parfaitement sa partition (celle qui lui attire depuis l'année de son CFDA (2008) les bonnes grâces des rédactrices de mode et lui assure l'amour éternel des femmes en général), cela ne l'empêche de la renouveler régulièrement - et subtilement - en lui injectant imprimés inédits, mix and match sophistiqués et unions chromatiques inspirées.
C'est ainsi qu'aujourd'hui, les désormais traditionnels pardessus se piquent de broches strassées et que les blazers à la carrure "powerful" se parent de fines fougères jaunes sur fond cacao. De même, les trenchs profitent de leur coupe classique pour se permettre quelques extravagances colorées (voir ici, ici et là), tandis que les blousons de baseball aux riches brocarts semblent avoir été conçus pour être capables réveiller n'importe quelle pièce carbone.
On note par ailleurs que parmi les nombreuses propositions de ce coloriste de talent, l'imprimé nuage et le trio coquelicot/mandarine/tabac sont celles qui retiennent le plus l'attention. De leur côté, le gimmick du voile de tulle (voir ici et là) et les foulards croyant se suffire à eux-mêmes se révèlent aussi faciles que décevants.
Y/Project
Si toutes les silhouettes de Glenn Martens ne font pas mouche, il n'empêche que lorsque les déconstructions du designer belge se mettent à privilégier la mesure sur la démesure, elles en deviennent soudain intéressantes, voire portables. Nul doute ainsi que ce gilet aux allures faussement BCBG, cette chemise provoquant de curieuses illusions d'optique et pourquoi pas ce trench aux manches inspirées de la fin du 15e siècle ne manqueront pas d'attirer l'oeil des fashionistas désirant avoir un coup d'avance sur leurs consoeurs...
Dior
Selon Suzy Menkes, "Maria Grazia Chiuri s'adresse à la génération de sa fille". Fait-elle référence à cette génération que l'on dit nourrie aux virées shopping chez Zara, à l'émotion immédiate, au besoin d'évidence et aux punchlines instragrammables ? Si oui, alors la collection s'adresse effectivement bien à elle.
Sous l'impulsion de Maria Grazia Chiuri, Dior semble en effet être devenu l'étendard d'une mode que l'on dit plus proche des femmes, mais qui se révèle dans les faits relativement banale et dramatiquement simpliste. Et si les références à l'esthétique subversive et graphique de Niki de Saint Phalle permettent d'insuffler un peu de caractère à certaines pièces (voir ici et là) et d'offrir aux ateliers Dior la possibilité de faire rimer modernité et dextérité géniale (voir ici et là), cela ne suffit pas à magnifier la dimension bien trop commerciale de cette collection…
Lacoste
Dépourvue de toute esbroufe égotique, la dernière collection Lacoste démontre une fois de plus que Felipe Oliveira Baptista n'a pas son pareil pour faire vivre l'héritage de l'entreprise française. En mêlant énergie urbaine et confort rétro, le sportswear gagne sous ses doigts en élégante désinvolture. On retiendra tout particulièrement cette robe peignoir pour Rocky Balboa en goguette à Saint-Germain-des-Prés, les variations autour de la veste de survêtement (voir ici, ici, ici et là), cette robe forties à l'imprimé croco quasi abstrait, mais aussi ces deux combos de coloris (voir ici et là).
À noter également
On se demande si le directeur de casting de chez Saint Laurent a bien lu la charte LVMH/Kering… (voir ici)
Les stories Instagram de Mademoiselle Agnès permettent de dédramatiser le concept même de fashion week.
Chez Martin Margiela, John Galliano pense à toutes celles et ceux devant effectuer chaque matin de longs trajets en RER et leur invente un sac/oreiller leur permettant d'effectuer de régénérantes micro siestes.
La collection Lanvin imaginée par Ted Lapidus se passe de commentaire…
On ne parvient à savoir si l'on préfère Aymeline Valade en brune ou en blonde… (voir ici)
Par Lise Huret, le 28 septembre 2017
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