Observations canadiennes #4
2726
Entre immenses granges dominant la campagne gelée, demande inattendue d'implication scolaire, balenciagamania à tous les étages, handicap pris en compte et thermomètre interne, tour d'horizon des petites choses ayant récemment interpellé la Française exilée dans le "Grand Nord" que je suis…
Prince Edwards County
À 2h30 de Toronto - comptez 3h30 si vous partez un vendredi après-midi - se trouve une campagne hautement photogénique, terriblement mélancolique et qui fait écho en moi à moult films américains, j'ai nommé le comté de Prince Edward. Avec ses immenses granges en bois gris détérioré, ses silos s'élançant vers le ciel, ses fermes rouges, ses longues barrières blanches courant le long de propriétés de plusieurs hectares, ses maisons isolées aux briques rouges et au porche bordé de dentelle de bois, ses langues d'eau gelées se glissant dans les terres, ses minuscules oiseaux à la robe piquée de bleu, ses écureuils à la silhouette bien plus chétive que celle de leurs cousins torontois (ce qui laisse à penser que ceux-ci ne se bâfrent pas de junk food trouvée dans les poubelles), son cidre exquis et ses habitants au sourire sincère et prompt, cette bulle de sérénité pourrait bien devenir notre lieu de villégiature de prédilection...
Ecole
Si l'école de Charles est sous de nombreux aspects un petit paradis pour bambin en uniforme (effectif très réduit, entraide constante entre élèves de différentes classes, sorties quasi hebdomadaires au musée d'histoire naturelle, cours de yoga intégrés à la journée de classe…), je ne m'attendais pas à ce que nous soyons autant sollicités en tant que parents. Pas une semaine ne se passe en effet sans que l'école ne fasse appel à nous, que ce soit pour encadrer la course de l'école, pour aider les élèves à s'habiller pour la pièce de théâtre, pour couper 30 kilos de carottes en bâtonnets (qui accompagneront les pizzas du Pizza Day), pour aider les enfants à enfiler leurs patins lors des cours de "ice skating" ou encore pour amener du chocolat pour 200 personnes à l'occasion du "family day". Sans oublier la préparation chronophage des innombrables "fun days" organisés par l'école. Ces dernières semaines, nous avons ainsi dû préparer une carte de Saint Valentin maison pour chaque membre de la classe (nous y avons passé une bonne partie du week-end), élaborer un déguisement de vieille personne pour Charles, mais aussi trouver de quoi le grimer en chevalier (journée "Retour vers le Futur"), en sportif (référence aux J.O. d'hiver) et en adulte…
Mon ascenseur, ce showroom
Notre immeuble est peuplé à 80% de jeunes étudiants asiatiques extrêmement aisés et totalement accros à deux marques : Gucci et Balenciaga. Du coup, nul besoin pour moi de me déplacer en magasin pour observer leurs nouveautés : un passage par l'ascenseur suffit à me tenir au courant. Ces dernières semaines, j'ai ainsi pu tour à tour apprécier moult déclinaisons de la Triple S, apercevoir la version ultra fluffy des slippers Gucci et découvrir différentes variations autour de l'Ophidia. J'ai également pu constater que les pièces pourvues d'un logo bien visible avaient clairement la cote auprès de mes chers voisins, mais aussi que cette affolante veste de survêtement brodée pouvait être portée comme une banale veste d'intérieur…
Le handicap au Canada
Je n'ai jamais croisé autant de personnes handicapées physiques - dont beaucoup de personnes amputées en fauteuil - que depuis notre arrivée à Toronto. À tel point qu'avec Julien, nous nous demandâmes dans un premier temps si les pratiques médicales canadiennes étaient différentes que celles ayant cours en France. Rapidement, nous avons cependant compris que si ces personnes nous semblent plus nombreuses, c'est simplement parce qu'elles sont plus visibles, car tout est fait ici pour faciliter leurs déplacements. Les portes d'entrée des magasins et autres bâtiments publics sont ainsi souvent pourvues d'un large bouton leur permettant de s'ouvrir automatiquement, les immenses trottoirs permettent aux fauteuils de circuler facilement, tandis les rampes d'accès sont nombreuses (aussi bien pour entrer dans un Starbucks que pour se rendre dans un centre médical). Autant d'aménagements qui évitent que le handicap soit vécu comme une double peine.
PS : À la salle de sport, je croise souvent un homme amputé des deux jambes. Il vient seul en fauteuil via la rampe d'accès du club, ouvre la porte grâce à un de ces fameux boutons et utilise facilement les machines, qui se révèlent suffisamment espacées pour pouvoir laisser passer un fauteuil. C'est à la fois hyper impressionnant et merveilleusement normal.
Une vraie Canadienne ?
"Tu es devenue une vraie Canadienne!" m'écrivit malicieusement Géraldine après que je lui ai annoncé au détour d'un échange de textos que j'étais dehors, qu'il faisait 6°C et que je n'avais pas mis de manteau. Elle s'était ainsi souvenue qu'à notre arrivée au Canada, je me moquais souvent des Torontoises qui au moindre redoux sortaient en tong et doudoune. Depuis, j'ai vécu un hiver avec des températures oscillant entre -5°C et -20°C et cela a clairement modifié mon thermomètre interne. Désormais, à 0 degré, je fais tomber le bonnet et à 5°C (lorsqu'il n'y a pas de vent) je sors en pull et écharpe…
Par Lise Huret, le 03 mars 2018
Suivez-nous sur , et