Fashion week de Paris - Automne/hiver 2018-2019 (1ère partie)
Entre fraîcheur nécessaire, puzzles antagonistes, spacewear griffé et mille-feuille d'influences, petit aperçu des collections automne/hiver 2018-2019 dévoilées lors de la fashion week parisienne...
La simplicité suave de Jacquemus
Alors que l'humeur du moment est à l'oversize, à l'accumulation et aux puzzles fashion, la collection de Simon Porte Jacquemus nous offre une bouffée d'air pur salvatrice. Ici, rien d'alambiqué, de stérilement cérébral ou de basiquement fashion : chaque vêtement va à l'essentiel en célébrant un corps en mouvement. On sent par ailleurs au fil des drapés, des décolletés arrondis et des pans de tissus prenant vie au contact d'une démarche chaloupée à quel point le créateur aime la Femme. Non pas la potentielle cliente, mais bel et bien la Femme avec un grand F. Et au sein du milieu de la mode, c'est suffisamment rare pour être célébré.
Les puzzles protecteurs de Sacai
Alors que les déconstructions ayant fait sa renommée sont devenues un gimmick créatif à part entière, Chitose Abe tire son épingle du jeu en proposant des assemblages certes insolites, mais toujours portables et lisibles. En hybridant les pièces pivots d'un vestiaire classique (blazer, trench, veste matelassée, parka...), la créatrice patine en effet l'audace de ses puzzles tout en accentuant leur cohérence (voir ici, ici, ici et là).
Le "spacewear" bourgeois de Louis Vuitton
Éternellement fasciné par l'univers de la science-fiction, Nicolas Ghesquière a choisi cette saison de constituer un équipage 100% féminin susceptible d'aller apporter la bonne parole stylistique sur les exoplanètes bordant notre galaxie. Il fusionne pour cela codes bourgeois et grammaire Star Trek, ce qui donne naissance à des pièces graphiques pour cosmo girl appréciant aussi bien de siroter un thé assise sur une bergère Louis XVI que de visionner en cachette des séries B des années 80 (voir ici, ici, ici et là).
Les promesses de Carven
Si elle n'apparaît pas totalement aboutie, la seconde collection de Serge Ruffieux chez Carven n'en demeure pas moins prometteuse. La capacité du Suisse à questionner un stéréotype - ici celui de la femme bourgeoise des beaux quartiers parisiens - avec esprit et empathie laisse en effet présager du meilleur pour l'avenir de la griffe parisienne (voir ici, ici et là).
Les juxtapositions erratiques de Balenciaga
Chez Balenciaga, Demna Gvasalia déroule le fil narratif de sa récente collection Vetements en poussant toujours un peu plus loin la notion de "layering". Un parti pris stylistique qu'il associe joyeusement au concept de cadavre exquis en superposant des pièces que tout oppose. Ajoutez à cela la jouissance du créateur à mettre son actuel pouvoir d'influence au service du mauvais goût, de manière à rendre terriblement désirable - aux yeux de la fashion sphère - un élément qui, sans son intervention, eut été jugé terriblement cheap (voir ici, ici et là) et vous obtiendrez des silhouettes évoquant certes un SDF qui aurait déniché de quoi se réchauffer dans un dépôt-vente du 16e arrondissement (voir ici, ici, ici et là), mais qui une fois disséquées pourraient bien livrer des pièces aussi fortes que bankables.
À noter également
L'hypocrisie consumériste sur fond de bons sentiments écolos atteint son paroxysme chez Chanel, où Karl Lagerfeld a fait abattre de nombreux arbres pour les disposer sous les voûtes du Grand Palais…
Mais qu'est-il arrivé au visage de Marc Jacobs ?
Le masque à la poudre de licorne fait fureur chez Giambattista Valli (voir ici).
En mêlant techniques de moulage et numérisation 3D du corps humain, Demna Gvasalia ouvre la porte aux vêtements du futur (voir ici et là).
Par Lise Huret, le 08 mars 2018
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Décor magique chez Chanel mais scandaleux même si cette coupe a été autorisée : il est étonnant que la maison n'ait pas communiqué dessus.
Encore une analyse juste et pas déconnectée du réel, merci !