Chronique #123 : Coupe courte, la désillusion
Les mèches tombent éparses sur le carrelage ardoise du salon de coiffure. En quelques minutes, le point de non-retour est atteint : mes cheveux longs ne sont déjà plus qu'un vague souvenir…
J'ai beau depuis plusieurs années jouer avec l'idée de tendre à un coiffeur cette photo de Linda Evangelista en lui déclarant : "Faites-moi la même chose !", mes doutes, ma peur de déplaire et mon angoisse de ressembler à nouveau à la fillette de 11 ans que j'étais (et dont la coupe à la garçonne lui valut d'être fréquemment prise pour un individu du sexe opposé) m'avaient jusqu'ici dissuadée de m'extraire de ma zone de confort capillaire. Il me faudra ainsi attendre un matin gris de janvier pour que, face à mes cheveux blancs (que je me refuse désormais de teindre, non pas par conviction ou militantisme, mais simplement parce que je ne suis jamais satisfaite après être passée par le bac du coloriste), ma chevelure jamais lâchée (car incapable de tomber joliment) et mon sempiternel chignon haut sans saveur, je réalise que je n'ai pas grand-chose à perdre à tenter une coupe courte.
Plus la matinée avance, plus je suis convaincue que c'est la bonne chose à faire. Je n'aurai en effet plus à me préoccuper d'être "bien coiffée" : il me suffira le matin de passer ma main dans mes cheveux pour ressembler à ces mannequins sortant des défilés la coupe boyish savamment décoiffée. J'échange quelques textos avec Charlotte, qui m'envoie des photos d'Elisabeth Quin. À vrai dire, je m'imagine avec quelque chose de plus "garçon manqué", avec plus de longueurs sur le devant. Elle reconnaît que cela peut être sympa, mais m'avertit que cela demandera plus d'entretien. Sur le moment, je minimise cette information : de quel entretien aurait donc besoin une coupe courte ne demandant qu'à être simplement ébouriffée le matin ? Malheureusement pour moi, l'avenir lui donnera raison…
Après avoir averti Géraldine via un message se résumant à "je coupe tout", je prends rendez-vous avec mon coiffeur afin de mettre mes plans à exécution. Signe (ou non) du destin, il peut me recevoir dans l'après-midi…
À ce stade, la seule personne qui pourrait encore m'empêcher de raccourcir considérablement mes longueurs est mon cher et tendre époux. Oui mais voilà : pour une fois, plutôt que de lui demander son avis, je l'informe simplement que je vais me couper les cheveux... très courts. Il sourit : "Du moment que cela te fait plaisir, fonce !". Je m'interdis de lui demander ce qu'il en pense vraiment et file vers ce que je crois être la liberté capillaire.
Quelques jours plus tard, face aux mèches hirsutes dressées sur mon crâne, je ne suis plus tout à fait convaincue de la pertinence de mon choix. J'ai en effet découvert que si mes cheveux longs ont la vitalité d'une plante d'intérieur assoiffée, leur version raccourcie a quant à elle le dynamisme incohérent d'une adolescente rebelle. Le matin, j'ai ainsi besoin de 20 minutes pour enduire de gel volumateur mes cheveux mouillés, les sécher, essayer de former à la brosse ronde des "demi-bouclettes " - permettant de twister la coupe - au niveau des oreilles, puis frictionner certaines mèches à la cire afin d'obtenir cet effet décoiffé tant désiré, et ce pour un résultat évoquant tour à tour un surfeur rincé par la houle, une businesswoman féministe nineties, un présentateur télé américain en quête de volume capillaire, une caissière aigrie ayant renoncé à plaire à son mari, un pré-adolescent ayant fait une overdose de gel coiffant... et de temps en temps une mère "cool".
Autant dire que mon rêve d'insouciance s'est quelque peu rabougri. Et ce d'autant plus qu'au moindre coup de vent, mes cheveux savamment placés se positionnent de manière imprévisible et générent en moi une pensée persistante : "Ai-je l'air ridicule ?". Au saut du lit, mon reflet croisé dans le miroir me donne par ailleurs l'impression d'avoir mis les doigts dans la prise. Enfin, quand je porte un bonnet, l'enlever dans un espace public se révèle compliqué, sachant que j'aurai besoin de 5 minutes devant une glace pour réussir à "ébouriffer" correctement mes cheveux.
Moi qui fantasmais sur le côté "low maintenance" de cette coupe, je me retrouve ainsi à me préoccuper de mes cheveux quasiment 24h/24. À tel point que ceux-ci viennent désormais hanter mes rêves…
Et si les mamans des copains de Charles, sa maîtresse branchée, ma prof de barre et mes copines Torontoises me disent toutes ADORER mes cheveux, cela ne change au rien au fait que cette coupe occupe bien trop mon esprit. Sans parler du fait que mes cheveux commencent à repousser, si bien que ladite coupe ne ressemble plus à grand-chose. Deux choix s'offrent dès lors à moi : recouper - mais beaucoup plus court - afin d'accéder à cette "low maintenance" tant désirée (je ne suis cependant pas du tout certaine que cela fonctionnerait avec mon absence de maquillage) ou affronter stoïquement les différents stades - peu esthétiques - de la repousse. À suivre...
Par Lise Huret, le 02 mai 2019
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