Chronique #129 : Mes Birkenstock Arizona
Longtemps j'ai erré en quête de la parfaite paire de nu-pieds. Chaque été me ramenait invariablement à la problématique suivante : où dénicher des sandales qui n'alourdiraient pas mes chevilles régulièrement gonflées par une mauvaise circulation sanguine, qui me permettraient de marcher aussi bien sur le macadam que sur les sentiers doux de Lozère et qui correspondraient à mes goûts "tomboy" ?
Après avoir testé les spartiates, succombé au supposé fashion appeal des mini semelles plateaux, placé quelques espoirs dans les sandales montantes et n'être finalement satisfaite par aucun de ces essais, je finis il y quelques années de cela par me rabattre sur des baskets légères qui, à défaut de laisser respirer mes orteils, ne heurtaient pas ma sensibilité esthétique. Un statu quo qui se verra ébranlé par à l'apparition au sein du paysage mode d'un basique depuis longtemps plébiscité par le peuple germanique pour son indéniable confort : les sandales Birkenstock.
En les apercevant aux pieds des filles shootées par Tommy Ton, mon baromètre émotionnel s'affola : comme souvent lorsque je m'apprête à aimer profondément quelque chose ou quelqu'un, j'éprouvai dans un premier temps des sentiments ambivalents à leur égard. C'est ainsi qu'aux balbutiements de la vague "Birk' en ville", je rejetais - voire détestais - ces sandales compactes devenues le fer de lance de la tendance normcore.
Jusqu'au moment où je croisai ma voisine de la rue de Tournon - une artiste quadragénaire à l'allure délicieusement bourgeois bohème - chaussée de Birk' acquises bien avant l'embellie fashion de la marque. Renseignements pris, elle m'avoua considérer ces dernières comme un basique indispensable, au même titre que ses plaids Caravane, sa petite robe noire Isabel Marant, son cabas en paille chiné à Lisbonne et ses chemises Charvet. Etait-ce le fait qu'elle les portait avec une fine slip dress bleu nuit, que les massives boucles de cuir mettaient en valeur ses jambes ou que - contrairement à celles aperçues dans les magazines - ses Birkenstock étaient d'un subtil marron havane ? Toujours est-il qu'après cet échange furtif, mon regard sur les Arizona s'était considérablement adouci.
Au fil des semaines, leur dimension "roots classique" prit le pas dans mon esprit sur leur dégaine ergonomique, si bien que je finis par franchir le seuil d'une petite boutique de la rue des Canettes vendant le modèle qui m'attirait. Je demandai alors ma pointure au vendeur, essayai et achetai celles que je vouais aux gémonies quelques semaines plus tôt.
Après deux jours à les porter du matin au soir, des allées du parc du Luxembourg aux terrasses de la rue de Buci en passant par les escaliers de l'immeuble sans ascenseur de la nounou de Charles, je compris pourquoi ces fameuses sandales firent tant d'adeptes ces dernières décennies : infiniment confortables, elles permettent aux pieds d'avaler les kilomètres et de piétiner dans les files d'attente en toute sérénité.
Cinq ans et demi plus tard, ma paire d'Arizona acquise à Paris a tenu toutes ses promesses. Elle a ainsi tour à tour foulé le sable de Miami, arpenté les chemins de Saint-Barthélemy, fait quelques incursions dans des événements "boho chic", écumé les quartiers de Toronto, pris l'avion, le bateau, le train, le métro et ce toujours avec le même flegme robuste dont je suis éperdument tombée amoureuse.
Avec ces demoiselles aux pieds, je me sens parfaitement moi. Sans parler du fait qu'elles servent à merveille mon amour des clashs stylistiques. Je ne les aime ainsi jamais mieux qu'accompagnées d'une , d'une robe nuisette, du duo short en jean/caraco et de quelques fins bijoux dorés.
Oui mais voilà, à force d'être en service de juin à septembre depuis 2014, mes Birk' - ou plus précisément leurs semelles - ont fini par déposer les armes. En juin dernier, je les chaussai une dernière fois pour me rendre à la boutique Birkenstock de Toronto. Long couloir encombré de piles de boîtes de sandales de différents styles, cette dernière n'avait rien à voir avec l'espace branché où j'avais acquis mes Birk'. Celles-ci ne sont d'ailleurs ici pas considérées comme un accessoire trendy, mais plutôt comme des chaussons de cuir et de liège ayant pour mission d'offrir au pied le maximum de confort.
Une fois installée sur un tabouret à l'assise spartiate, on me fit essayer diverses semelles en différentes tailles, largeurs et textures. Le vendeur en sélectionna quelques-unes, puis alla me chercher les modèles d'Arizona correspondant. Après quelques minutes, il diagnostiqua qu'il me fallait un 40 à semelle large et talon amorti plutôt qu'un 39 étroit. Pour finir, il m'indiqua que l'entretien est compris dans le prix des sandales et qu'il me faudrait revenir une fois l'été terminé afin qu'il polisse la semelle en liège. Il m'informa également que lorsque mes semelles auront rendu l'âme, je n'aurai pas à racheter des sandales complètes : il récupérera les sangles en cuir et y fixer de nouvelles…
https://birkenstocktoronto.com/
Cette expertise podologique alliée à la sensation de chausser un produit dont on encourage la pérennité plutôt que le remplacement prématuré acheva d'inscrire au sein de ma grammaire stylistique ces sandales tant prisées durant les années 70…
Par Lise Huret, le 01 août 2019
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Et enfer des marques qui changent leurs gammes, même de classique, régulièrement...
Perso, je ne peux pas les Birk parce que mes orteils ne sont pas compatibles avec leurs semelles, mais sinon j'aurai sauter le pas 10 fois!