Chronique #151 : Live Instagram
"Mais pourquoi ne te lancerais-tu pas, toi aussi ?". Lorsque Géraldine me posa cette question lors d'une conversation téléphonique suivant l'un de ses premiers "lives" sur Instagram, ma première réaction fut de rire nerveusement. Moi ? Parler face caméra, en direct, exposant volontairement un visage que je juge si peu télégénique ? Impensable…
Je lui répondis alors :- "Jamais !"
- "Mais pourquoi ?"
- "Je ne supporte pas mon visage en vidéo"
- "As-tu souvent été filmé ?"
- "Non, mais il m'a suffi de deux ou trois expériences pour que je réalise que cela n'était pas pour moi. Je pense notamment à un épisode de "La mode, la mode, la mode" - il y a 13 ans de cela - au sein duquel j'avais été interviewée. Sur le moment, ce fut très agréable : disserter librement sur une tendance était assez jouissif. Mais lorsque je me vis à l'écran la semaine suivante, je me suis trouvée si affreuse que ce fut pour moi traumatisant.
- "Attends, tu fais allusion au passage où tu parlais devant l'Hôtel de Ville de Paris ?"
- "Oui"
- "Mais Lise… C'est là où je t'ai découverte ! Et ton intervention m'a donné très envie de te connaître !"
J'étais abasourdie. Cet épisode vécu au début de l'aventure Tendances de Mode avait été si déterminant dans mon choix de me monter au minimum… À l'époque, je n'avais pas imaginé une seule seconde que ce que j'avais à dire pourrait prendre le pas sur mon image, que ce qui marquerait le spectateur serait moins mes défauts physiques que mon aisance naturelle doublée d'un discours intéressant.
Après avoir raccroché, je laissais infuser les mots de mon amie qui - je le sentais - étaient en train de fissurer les barrières de protection que j'avais dressé entre moi et le regard d'autrui. Ce que j'avais jusqu'ici considéré comme une évidence (à savoir que je n'étais pas suffisamment jolie pour m'exprimer publiquement sur la mode) me semblait soudain moins certain.
C'est alors que surgit un souvenir datant du lycée. J'étais nouvelle dans un établissement lillois où les élèves respiraient la branchitude tranquille des milieux bourgeois. J'étais assez seule, je me sentais étrangère aux codes ambiants et commençais à éprouver un sérieux désamour pour mon cartable en cuir qui faisait figure d'intrus au sein de la marée de sacs à dos Eastpack.
Un après-midi, les élèves de seconde furent réunis dans le gymnase. Le proviseur avait eu l'idée de faire venir une association de comédiens afin de nous sensibiliser sur l'importance de la communication entre adolescents et adultes. L'idée était que ceux-ci jouent une saynète devant nous (un jeune rentre après minuit, sa mère s'est inquiétée : confrontation), puis qu'un élève prenne la place d'un des personnages et fasse évoluer la situation en mode improvisation.
Oui mais voilà, lorsque le chef de la troupe demanda un volontaire, un silence gêné s'abattit sur l'assemblée. Les secondes s'égrenaient, interminables. Chacun espérait voir son voisin se lever, le sauvant ainsi d'une possible désignation à l'aveugle. Soudain, une jeune fille se redressa, se fraya un chemin à travers le parterre d'élèves assis en tailleur et arriva au sein du cercle où attendaient les comédiens. Cette fille, c'était moi. J'étais terrorisée à l'idée de me couvrir de ridicule, mais l'envie de jouer avait été la plus forte.
La scène commença. Totalement immergée dans mon rôle de mère angoissée, j'interagissais naturellement avec mon partenaire. Quelques minutes plus tard, les applaudissements tonitruants de l'assemblée me ramenèrent subitement à la réalité.
À la sortie du gymnase, une main se posa sur mon épaule. En me retournant, je découvris l'un des skateurs les plus populaires du lycée. "Tu fais du théâtre ?". "Un peu, j'ai l'ai pris en option". "Ça se voit, tu m'as complètement bluffé".
Comment avais-je donc pu oublier cette expérience qui me fit toucher du doigt la dimension magique du saut dans l'inconnu, de la prise de risque et comprendre que l'enveloppe corporelle était transcendée par l'action ?
Portée par ces réflexions, je saisis mon portable et envoyai - sous la forme d'une "story" Instagram - une proposition de live à ma communauté. Qu'importe si je n'ai pas "l'instagramgénie" d'Alice ou si je ne possède pas les parfaits hauts Sézane de Géraldine : je me présenterai face à vous comme ce jour-là sous le toit du gymnase du lycée, riche d'inconscience et de désir de communiquer.
Au petit matin, l'euphorie de la veille avait disparu, cédant la place à l'angoisse. La surprise que manifesta Julien en voyant passer la fameuse story ne me rassura pas : "Mais tu ne m'avais pas dit que tu ne ferais JAMAIS de live ? Tu es sûre de toi ? Tu ne vas pas annuler au dernier moment ? Es-tu certaine que cela ne va pas trop te stresser ?".
J'essayais de ne plus y penser : le lendemain matin, je m'installerai devant mon téléphone pour répondre aux questions sur l'expatriation (un thème qui revenait souvent dans vos messages) et… carpe diem !
Un mois plus tard, trois lives ont eu lieu. Happée par le plaisir de vous parler de sujets personnels mais potentiellement universels, j'ai rapidement dépassé la gêne de me voir en miroir pendant 45 minutes. J'aime vous voir réagir en direct, j'aime cette bulle qui complète l'univers de TDM. Sans parler de vos retours enthousiastes et infiniment bienveillants qui achèvent de me convaincre que j'ai eu raison de dépasser mes peurs.
Déconfinement ou pas, je n'ai nullement envie que cela s'arrête. Les lives vont donc devenir un rendez-vous hebdomadaire. Ils auront lieu les samedis matin à 10h et seront également disponibles sur IGTV.
Le 30 mai, je vous parlerai ainsi de 5 tendances phares de l'été 2020, tandis que la semaine d'après, j'aborderai le thème de la bipolarité. Si vous avez des envies, des sujets que vous aimeriez voir abordés, n'hésitez surtout pas à me les partager !
Notre compte Instagram : https://www.instagram.com/tendancesdemode/
Par Lise Huret, le 22 mai 2020
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