Chronique #160 : Session de surf
Entre chemin initiatique quotidien, joie viscérale et messe aquatique, le surf est devenu en quelques semaines un élément essentiel à mon équilibre. Récit d'une session ordinaire...
Enfiler avec difficulté sa combinaison en néoprène.Retrouver les visages ensommeillés mais joyeux des surfeurs venant se frotter aux vagues matinales.
Écouter en marchant sur le sable les péripéties passées des uns et des autres : "Enfant, je surfais ici. Une fois, mon leash s'est pris dans un rocher, impossible de revenir à la surface... et puis j'ai réalisé qu'un leash cela s'enlève en une seconde...". - "Il y a 10 ans, j'ai été pris par un courant d'arrachement qui m'a emmené au large, je ne voyais plus la plage. J'ai mis des heures à revenir. Ensuite, j'ai arrêté le surf. Je reprends aujourd'hui". - "Hier, mon leash s'est enroulé autour de mon cou sous l'eau, le surf est parti avec la vague, j'ai cru que c'était fini".
Scruter l'océan afin d'essayer de comprendre la mécanique des flots, entre courants, séries de vagues et bancs de sable immergés…
Effectuer l'échauffement sur la plage et se rendre compte que les squats qui nous coûtaient tant il y a quelques semaines de cela sont devenus une formalité.
Entrer dans l'eau et sentir les grains de sable me masser la plante des pieds.
Scanner le mouvement des vagues, bander les muscles, résister à leurs assauts.
Choisir le bon moment pour se glisser sur sa planche, relever le buste et passer une première montagne ourlée d'écume.
Fendre alternativement la surface avec ses bras, sentir ses épaules devenir incandescentes, mais continuer, continuer, continuer.
Accepter de se faire balayer par un mur d'eau inévitable.
Détecter une houle prometteuse, commencer à ramer vigoureusement, se sentir porter par une force magistrale, sauter sur son surf et éprouver la plus délectable des sensations en dévalant la courbe de ce micro monstre aquatique.
Se retrouver à attendre la vague avec 15 autres surfeurs, assise sur son surf à 200 mètres du bord, le tout dans une ambiance rieuse et détendue.
Avoir l'impression (à tort) d'apercevoir un aileron d'orque et tenter - afin de ne pas céder à la panique - de se remémorer les meilleurs moments de "Sauvez Willy".
Réaliser qu'en ramant dans un certain sens, on peut réussir à passer une vague immense juste avant son point de cassure.
Essayer - en vain - d'éviter une déferlante, sentir son surf entraîné par cette dernière, être traîné sous l'eau à sa suite, faire le vide, se rappeler que l'on peut rester sous l'eau bien plus longtemps que ce que l'on pense et finir par remonter à la surface.
Se faire piquer sa vague par un petit blond de 10 ans au teint caramel.
Trouver l'eau de mer beaucoup trop salée.
Réussir à se lever au moment T grâce aux conseils d'une surfeuse inconnue.
Croiser une méduse.
Faire un avec sa planche pendant un court laps de temps.
Croiser deux méduses.
Glisser en duo avec celui qui partage mes jours et mes nuits.
Croiser trois méduses…
Observer sous l'eau le ballet fracassant des vagues.
Sortir de l'eau en prenant garde de ne pas se faire arracher sa planche par une dernière vague.
Se laisser tomber sur le sable.
Sentir l'épuisement envahir chaque parcelle de son corps.
Remercier l'Océan d'avoir été clément.
Attendre le professeur et les autres élèves.
Débriefer, se faire vanner, évoquer ses angoisses sans avoir l'air d'y attacher de l'importance.
Remonter vers la digue, le pas fatigué mais le regard lumineux.
Echanger des sourires sans avoir besoin d'en dire plus.
Poser nos surfs et se renseigner sur les horaires du lendemain. Car aussi exténués que nous soyons, nous n'avons alors qu'une idée en tête : y retourner.
Par Lise Huret, le 17 septembre 2020
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