Peu de temps avant sa mort tragique à l'âge de 44 ans (en 1994), Franco Moschino discutait de l'avenir de sa griffe éponyme avec Rossella Jardini, son bras droit à la direction de l'entreprise depuis sa création en 1983. Son message était clair : Rossella devait faire vivre la maison et utiliser sa position pour continuer à collecter des fonds au profit d'actions caritatives.
Rares étaient ceux à croire qu'une griffe aussi intimement liée à l'irrévérence charismatique du personnage de Moschino pourrait prospérer sous l'impulsion d'un autre créateur, mais l'approche discrète et l'apparence plutôt austère de Rossella Jardini ont confirmé son importance cruciale dans la déconstruction Moschino très second degré du ridicule de la mode, sorte de parodie de parodie.
Née en 1952 à Bergame, Rossella ouvre une petite boutique au début des années 1970 pour vendre les pièces de couturiers avant-gardistes tels qu'Issey Miyaké, puis part travailler chez Cadette, une ligne pour femme dessinée par le jeune Moschino. Elle fausse brièvement compagnie à son nouveau meilleur ami pour créer des accessoires chez Bottega Veneta, mais revient en 1983 quand Moschino décide de lancer sa propre griffe.
Le mélange de parodie, d'effets trompe-l'œil et de coupe classique qui distingue Moschino s'avère un ticket gagnant pendant les années 1980, une décennie marquée par l'obsession de la mode. Les slogans impertinents de Moschino offrent peut-être le meilleur exemple de la façon dont il parvient à crever la bulle de cette haute couture égocentrique.
Les fashion victims saisissent la chance de l'autodérision en arborant une chemise proclamant «Cette chemise coûte très cher», tandis que l'accroche «Ready To Where?» résume bien la vacuité de l'époque. À la mort de Moschino, l'appellation de «bouffon de la mode» que partageait la griffe avec Jean Paul Gaultier commence à faire grincer des dents au milieu du sérieux conceptuel des années 1990.
C'était compter sans Rossella Jardini, qui a réussi à rétablir l'image de l'entreprise, notamment grâce au récent retour en grâce des anciennes pièces Moschino et de sa ferme détermination à ne jamais prendre la mode trop au sérieux.
La griffe ne se résume pas qu'aux vêtements, ou aux accessoires, il y a aussi les parfums. « Franco Moschino adorait l'Italie et son drapeau et en tant qu'héritiers, nous tenons à revendiquer notre côté italien" - Rossella Jardini. Ainsi, le flacon et la publicité de cette fragrance pour homme arborent avec fierté les codes de l'Italie, le design, l'élégance et les couleurs vert, blanc et rouge de l'Italie... Sans parler de la très fameuse « Eau CheapandChic Moschino ».
Ce printemps, Rossella Jardini, réinterprète la Mademoiselle que Philippe Starck avait imaginée en 2004 pour l'éditeur de meubles, Kartell. Des cœurs entrecoupés de «Love» s'impriment en all-over sur cette chaise en Plexiglas. Cœur qu'on a retrouvé lors du dernier défilé de la griffe, en sac ludique et pointu.
Mais n'ayant pas eu vent d'une cessation de paiement à la Lacroix, je me dis que certaines femmes doivent être plus aventureuses que moi en la matière....