Chronique #108 : La maturité, plus inspirante que la beauté juvénile ?
Entre une jeune fille à la beauté lisse et une femme mûre à la vie déjà riche, qui est la plus susceptible de nous inspirer ? Voici la question qui semble agiter actuellement le fashion/beauty cosmos...
Succombant à une tentation universelle, l'industrie de la mode et de la beauté a longtemps fait du jeunisme un des piliers de sa communication. Persuadés que cela leur permettrait de séduire massivement les jeunes consommatrices et d'amener leurs mères à assouvir leur frustration en consommant des produits associés à une jeunesse éternelle, les démiurges du marketing expurgeaient ainsi systématiquement de leurs productions visuelles toute notion de vieillissement ou de temps qui passe.À tel point que jusqu'à encore récemment, l'absence de rides sur les visages des campagnes L'Oréal, le lifting virtuel des actrices à peine trentenaires figurant au sein des campagnes Louis Vuitton ou encore la jeunesse fracassante des égéries Chanel constituaient la norme. Une norme qui, n'en déplaise aux accros de l'épiderme lisse, est actuellement en train de se fissurer...
Depuis 2015, on constate en effet un intérêt croissant pour des femmes de plus de 50 ans (à l'instar de Lyn Slater et Maye Musk, qui ont vu leur nombre de followers Instagram exploser ces dernières années). À tel point que les marques ont dû revoir leurs cahiers des charges esthétiques, afin d'incorporer à leur communication ce nouveau type d'influenceuses (Maye Musk défila ainsi récemment pour Dolce & Gabbana, tandis que Lyn Slater posa pour Mango).
Or, on aurait tort de penser que l'arrivée de ce profil de femmes s'explique uniquement par le besoin d'attirer les baby-boomers au sein des enseignes à la mode : l'attrait intergénérationnel provoqué par celles-ci n'ayant pas échappé aux bureaux de tendances, ce sont bel et bien les femmes de 16 à 100 ans qui sont ciblées par cette nouvelle représentativité des femmes mûres.
On note également que si le manque de profondeur et le jusqu'au-boutisme esthétique de l'univers de la mode et de la beauté peuvent parfois agacer, les forces animant cette sphère joyeusement superficielle vont - pour une fois - ici dans le sens de la raison et de l'épanouissement au long cours de la gent féminine.
Car si le fait d'offrir comme modèle aux femmes des jeunes filles à peine sorties de l'adolescence et choisies uniquement pour leur beauté est fondamentalement stérile, destructeur, vide et absurde, mettre en lumière des femmes dont le visage reflète une vie dense, dont le parcours permet d'éclairer le nôtre, dont le style prend le pas sur la perfection physique et dont l'apaisement permet d'envisager le futur avec sérénité est à l'inverse porteur, motivant, riche et inspirant. Face à une Joan Didion posant pour Céline (2015), on n'a en effet pas envie de se lancer dans un énième régime, ni de prendre rendez-vous avec notre chirurgien esthétique, mais plutôt de nous remettre à la peinture, de planifier un road trip sur la côte californienne ou d'essayer de terminer ce roman inachevé traînant sur Google Drive.
En contemplant Yazemeenah Rossi au sein du lookbook The Dreslyn x Land of Women, on ressent le besoin intense de tout mettre en oeuvre pour avoir nous aussi un jour ce regard lumineux que seules possèdent les personnes ayant fait la paix avec elles-mêmes. On se dit également que les heures passées à lutter stérilement contre les signes de l'âge (teintures, injections…) pourraient être utilisées à autre chose ; on comprend que l'acceptation est plus profitable que la lutte.
Enfin, devant le portrait de Daphne Selfe au sein du Harper's Bazaar, on réalise à quel point le fait d'être élégante - tant dans son port de tête que dans son attitude générale - est plus impactant sur l'allure que n'importe quel produit de beauté hors de prix.
Au final, si je ne sais pas si ces femmes feront davantage vendre que leurs très jeunes homologues, une chose est néanmoins certaine : les pensées qu'elles génèrent se révèlent bien moins stériles que celles que pouvaient susciter leurs collègues à peine sorties du lycée…
PS : En ce qui me concerne, c'est cette photo de Dorothea Lange qui, de par l'espièglerie, la sophistication et le naturel qui s'en dégagent, me permet actuellement de mieux accepter mes cheveux blancs.
Par Lise Huret, le 28 septembre 2018
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c'est un peu comme pour le poids, il y a un vide "au milieu" !!!
A 50 ans,on n'a plus la peau jeune et on n'est pas encore "patinée". je sais de quoi je parle, j'ai 51 ans. Age un peu ingrat finalement.