Le retour de la taille basse
Friande des jeux de passe-passe, la mode aime à recycler les reliques du passé. Elle tente ainsi régulièrement de réinjecter dans l'air du temps des hits datés qu'elle conserve précieusement dans son purgatoire (une malle au fin fond du Palais Galliera). Or, cette saison, c'est à la mythique - mais non moins traumatisante - taille basse qu'elle offre une nouvelle virginité…
Vingt ans : telle semble être la durée requise pour exorciser un vêtement de toute sa vulgarité. C'est en tout cas ce que des griffes telles que Miu Miu, Coperni ou encore Valentino semblent insinuer en choisissant de faire apparaître au sein de leurs collections printemps/été 2022 la fameuse taille basse chère aux bimbos des années 2000 (voir ici et là). À moins qu'elles ne misent tout simplement sur l'absence, chez la génération Z, de souvenirs traumatiques liés à celle-ci…Il est vrai que contrairement à leurs aînées, celles nées après 1997 n'ont pas eu l'occasion de constater l'impact massif qu'une perte de 5 cm au niveau de la taille des bas vendus sur le marché peut avoir sur le paysage esthétique global. Elles n'ont pas non plus expérimenté l'effet "muffin" qui révéla à toute une génération de jeunes filles l'existence de leurs poignées d'amour, ni découvert - à leur corps défendant - la moitié du fessier de leur voisine assise devant elles en cours de physique, ni attrapé un rhume de fesses après avoir enfin trouvé un siège dans le TER, ni dû faire face au regard désapprobateur de leur mère devant le string rose fluo dépassant de dix bons centimètres de leur jean descendu bien trop bas…
Du coup, entre les tops cropped redevenant la norme, Bella Hadid affichant son "six-pack" dans un pantalon descendant franchement sur ses hanches et l'habitude prise pendant les confinements de roulotter nos joggings sur la taille, la tendance enfle. Et qu'importe si la taille basse est intrinsèquement liée à la silhouette de Kate Moss ainsi qu'à la célébration des hanches saillantes : le "body positive" a apparemment ses limites…
Face à la montée en puissance de cette pièce que l'on aurait préféré ne pas revoir de notre vivant, deux choix s'offrent à nous : enfouir confortablement notre tête dans le sable en attendant que l'orage passe ou bien examiner la situation le plus sereinement possible et tenter d'y trouver des aspects positifs. Force est tout d'abord de constater que la mode semble avoir appris de ses erreurs en délaissant le duo jean skinny/taille basse au profit de modèles de pantalons soit larges, soit droits (Valentino). S'il ne s'avère pas vraiment plus confortable, le résultat confère néanmoins à l'allure une dégaine plus boyish que "parishiltonienne", ce qui est appréciable… Par ailleurs, le port du string ne semble plus être en odeur de sainteté (n'en déplaise à Bella Hadid) : c'est désormais au boxer (ou au caleçon) qu'il est recommandé de faire la part belle. Enfin, si l'on croit Miuccia Prada, le dress code lié à la taille basse "2022" s'apparente davantage à une rébellion soft de working girls en devenir qu'à une virée dans la villa de Hugh Hefner. Sur le podium milanais, les pantalons beiges sages remplacent en effet les jeans en élasthanne (voir ici et là).
Cela étant dit, une chose ne change pas : ce style de coupe nécessite un ventre plat aux abdos endurcis. Autrement dit, comme dans les années 2000, la taille basse de 2022 ne sera accessible qu'à un petit nombre d'élues.
Reste désormais à savoir quelle stratégie l'on choisira d'adopter face au retour de la taille basse, entre embrasser pleinement ce come-back fashion (ce qui nous permettrait de prouver à la face du monde que le yoga permet bel et bien de travailler ses "lower abs"), faire le plein de pantalons présentant une taille "normale" (en prévision de la pénurie à venir), opter pour des modèles trompe-l'oeil permettant de flirter avec l'air du temps sans renoncer au chocolat Milka, investir dans de solides ceinturons maintenant fermement nos baggys juste en dessous de nos hanches ou encore faire comme si de rien n'était, les modes ayant tendance ces temps-ci à ne pas s'ancrer durablement. À moins que l'on ne préfère tenter d'obtenir un rendez-vous avec Miuccia Prada afin de lui demander ce qui a bien pu lui passer par la tête…
Par Lise Huret, le 01 février 2022
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