Faut-il faire fi de nos connaissances en la matière et oublier que le jodhpur n'est pas une vraie nouveauté, qu'il nous traumatisait déjà au collège et que depuis sa forme si particulière est restée identique ?
Faut-il reléguer au fin fond de notre esprit le fait qu'il ne sera présentable que sur des gazelles filiformes, et inconnues de la planète des petites rondeurs disgracieuses ?
Faut-il chasser l'idée insidieuse qui tente de nous convaincre qu'avec sa coupe "grandes oreilles", le jodhpur dissimulera astucieusement une possible culotte de cheval ? Que les choses soient claires, en dépit du fait que le jodhpur fasse la couverture de Elle, il est loin d'être destiné à toutes. Cependant, génie marketing, challenge fashion ou goût du risque, le fait est que le jodhpur, aussi improbable soit-il, est devenu un sujet d'obsession. En dépit de son potentiel élevé en matière d'hérésie esthétique, on se dit que s'il est aussi désirable chez Just Cavalli ou sur les mannequins de Nicolas Ghesquière, il se peut que sur nous il en soit de même… Utopie quand tu nous tient… Alors quitte à renier ses anciens serments anti-jodhpur et à avérer notre statut de girouette de la mode, autant le faire avec élégance et dans les règles de l'art en prenant une petite leçon de style chez les couturiers qui cette saison ont décidé de mettre à l'épreuve notre sens pratique de la mode en réactualisant le jodhpur.
Détail positif à noter: le jodhpur nous permet ce que le slim nous interdisait de faire, faute de place : enfoncer nonchalamment les mains au fin fond de ces fameuses poches aux volumes controversés.
Premier look Cavalli : allure rock and roll biker, dynamisée par un jodhpur bleu électrique, presque fluide. On note que le jodhpur n'est pas indubitablement couleur camel et qu'il peut prendre ses distances avec les réminiscences cavalières. Le porter glissé dans des boots un brin masculines. Associé à du cuir structuré et inventif et traité comme le plus casual des slims, il passe fort bien. Le petit plus : le foulard oversize qui floute élégamment la partie blousante du jodhpur.
Le deuxième look nous prouve que si le jodhpur tire vers le minimaliste pantalon noir, il faut la jouer néo-sophistiqué. On ceinture haut et on sort la maille glamour, afin de faire pétiller le tout et d'attirer l'attention sur un ensemble qui "match" bien. Le secret est de faire passer le jodhpur quasi inaperçu : il conférera un petit plus conceptuel à la tenue, mais ne doit pas trop attirer l'oeil.
Le troisième look nous permet d'entrevoir les limites du jodhpur : associé à des pièces elles-mêmes novatrices ou extravagantes, le jodhpur perd le peu de cohérence qu'il avait pu acquérir. Les différents éléments de ce look "jet set russe" s'opposent au lieu de se compléter.
On en déduit qu'il ne faudra pas jouer la surcharge stylistique : si le haut est extrêmement travaillé, il vaut mieux éviter de le marier à un jodhpur voyant.
Chez Balenciaga le parti pris est quelque peu différent : le jodhpur se voit, se décline et s'assume… Pourquoi pas ? Si on croyait que la coupe du jodhpur était grossissante, que dira-t-on du jodhpur blanc ? Exclusivement réservé aux filles ultra-minces, il n'est pas pour autant rédhibitoire. Son petit coté jogging Adidas remanié en urbainement correct n'est pas sans charme, à condition de le porter avec de l'hyper structuré et des bottines sobres.
Les deux autres versions proposent une interprétation légèrement army du jodhpur qui n'est pas pour nous déplaire. Fortement descendu sur les hanches (accentuant ainsi l'effet volume jodhpur), il joue la carte de la désinvolture étudiée. On mise à 200% sur des vestes très très cintrées, de manière à dévoiler les vraies proportions de la silhouette, et à couper court à toutes interrogations sur une possible variation éclair et localisée de notre masse corporelle. Afin de rendre l'ensemble le plus citadin possible, on troque les escarpins Lego contre une paire de low boots ou de sandales plus sobres. On évite les bottes cavalières : le total look équitation est à proscrire.
Si on met de côté notre esprit critique et qu'on laisse s'épancher en nous la fashionista impulsive qui fonctionne au coup de coeur stylistique irraisonné, on se dit que la silhouette Balenciaga est un condensé du coeur des tendances de cette saison, et que le jodhpur en fait partie intégrante. Bien sûr, il existe une multitude d'alternatives à ce pantalon d'écuyère du 19e siècle, ne pas l'adopter n'est pas un drame en soi. Mais notre orgueil est piqué au vif : depuis quand les pièces réputées importables nous résistent ? Prête à relever le challenge ?
NB: On évite au maximum de sortir les mains des poches, on en laisse au moins une au chaud, c'est la condition sine qua non au port du jodhpur. Les talons sont obligatoires, on ne lésine sur aucun détail pour allonger la silhouette. Personne n'a dit que c'était facile…
©photo : Vogue
Par Lise Huret, le 04 septembre 2007
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